L’histoire du conteur électrique

Histoire du conteur_rosebulScénario : Fred

Dessin : Fred

Année : 1995

 

Synopsis :

Le tyrannique Président de Canal Moi est furieux : en quelques jours sa chaîne de télévision vient de perdre 30% de parts de marché. Pourtant Canal Moi met un point d’honneur à ne diffuser que de mauvais programmes pour satisfaire ses téléspectateurs. Reality show et énièmes rediffusions se succèdent à l’antenne pour laisser une place de choix aux coupures publicitaires, car, comme se plait à le rappeler le Président, « (…) dans toute chaîne qui se respecte, le téléspectateur on s’en fout…ce qui compte, c’est l’annonceur (…) ».

Même la chute d’audience, dans des proportions semblables, de ses divers concurrents ne parvient pas à calmer son ire. Que peuvent-ils donc bien faire ces téléspectateurs potentiels s’ils se détournent de leurs petits écrans. Ils ne se serraient tout de même pas remis à lire !!!

Il semblerait en fait que la responsabilité de cette situation ubuesque en incombe à la Lune. En effet, depuis quelques jours, pour une raison inconnue, l’astre lunaire se serait mis à raconter des histoires. Des histoires si belles qu’elles détourneraient les hommes de leur dépendance télévisuelle si patiemment établie. Des histoires si captivantes que tout le monde souhaiterait les écouter. Et tout cela, gratuitement, sans coupures publicitaires, un comble…

Le Président charge alors son bras droit, M. Faucu, d’enquêter sur ce prodige. Que Canal Moi soit en concurrence avec la Lune, « (…) c’est flatteur mais c’est fâcheux ».

Avis :

Publié en 1995, L’histoire du conteur électrique (subtil jeu de mots) est un conte satirique qui brille par sa poésie et par sa férocité. Bien que toute ressemblance n’eut pu être que fortuite (il serait exagéré de considérer que les principales chaînes privées françaises ne diffusent que des rediffusions, des reality show ou des programmes de jeu… elles diffusent aussi des émissions intéressantes la nuit ;-)), on ne peut s’empêcher de songer à cette réflexion d’un grand patron de chaîne qui fit allusion un jour au temps de cerveau disponible.

Planche histoire conteurFred, alias Othon Théodore Aristidès est un auteur français d’origine grecque qui construisit sa renommée dans les années soixante-dix sur ses contes qui mettaient en scène un jeune héros ingénu, Philémon, perdu dans un monde imaginaire constitué d’un chapelet d’îles formant le mot « Océan Atlantique ».

Outre son imagination fertile et son grand sens poétique, Fred se distingue par sa mise en page originale. Il a notamment beaucoup travaillé sur les différentes possibilités de sens de lecture sur une planche en restructurant les planches de BD. Fred n’hésite par exemple à casser la structure linéaire des planches au moyen d’un personnage figurant sur une page entière, voir sur une double page et en construisant sa narration tout autour.

Avec L’histoire du conteur électrique, Fred tire à vue, sur les patrons de chaînes de télé, sur les employés falots, sur les téléspectateurs consentants et même sur les relations entre les média et la politique. Libertaire, engagé, Fred est un auteur unique qui a su créé un univers tantôt poétique, tantôt ubuesque dans lequel on nage en plein bonheur.

C’est esthétiquement réussi et c’est très fin. A lire absolument.

Du même auteur, je ne peux que vous conseiller également l’Histoire du Corbac aux baskets, le récit d’un homme qui se réveille un matin dans la peau d’un corbeau. On songe à ce récit pour enfants intitulé Mais je suis un ours de Frank Tashlin dans lequel un ours se réveille un beau matin au printemps, au sortir de sa période d’hibernation, au milieu d’une usine.

 

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