Silence

Silence - couverture - Rosebul.frScénario : Comès

Dessin : Comès

Année : 1980

Synopsis :

Aux confins de la région ardennaise et de la frontière belge, Beausonge est un petit village où il pourrait faire bon vivre.  Dans cette campagne reculée où sévit un climat rude, vit Silence. Silence est un jeune homme muet de naissance et simple d’esprit, incarnation de la candeur enfantine enfermée dans un corps d’homme. Silence ne connait ni le vice ni la jalousie. Dans son univers mental, l’autre est naturellement bon et ne peut lui vouloir que du bien. Silence aime les animaux et rêve de voir la mer.

Employé de ferme, Silence travaille pour Abel Maury, sorte de potentat local, un être rustre, féroce et attiré par le gain. Abel ne craint que deux choses : tout d’abord que Silence aie la « Mauvue » : le mauvais œil. Car dans cette  campagne reculée, malgré l’arrivée des progrès techniques, les croyances ancestrales ont la vie dure et il n’est pas rare qu’Abel fasse appel au sorcier local, appelé « la Mouche », pour éloigner le mauvais sort à coups d’amulettes ou de chouettes clouées sur la porte.

Abel craint enfin la Sorcière, cette femme aveugle, à laquelle on prête des pouvoirs magiques, qui vit terrée dans sa cabane dans les bois et dont le destin est viscéralement lié à celui du village.

La Sorcière, quant à elle, attend la venue de Silence depuis des années et quand elle le rencontre enfin, elle lui narre l’histoire de sa naissance. Silence est le fruit des amours illégitimes d’un gitan de passage et d’une jeune fille du village  qui était promise à Abel Maury. De retour de la guerre, Abel a tué le gitan qui n’était autre que « l’homme »  de la Sorcière. A la naissance de l’enfant, les hommes du village ont atrocement mutilé la femme du gitan pour la rendre aveugle et lui éviter ainsi d’exercer de nouveau le mauvais œil.

Depuis ce jour, la Sorcière attend son heure et elle a décidé de faire de Silence l’outil de sa vengeance. Silence, quant à lui, a découvert un nouveau mot, celui d’une maladie qui le rend triste mais dont le sens lui est toutefois un peu étranger : la « hène ».

Avis :

Silence - Planche 1 - Rosebul.frPublié à partir de 1979 dans la revue (A suivre), Silence est un conte fantastique que l’on doit à Comès. Edité initialement en noir et blanc, ce long récit (153 pages) a été réédité en version colorisée pour attirer un public plus large. Malgré la réussite de la coloration, je vous encourage à le découvrir dans sa version originale en noir et blanc.

Silence raconte l’histoire d’un être candide, d’un rebut de la société que l’on a soigneusement tenu à l’écart de toute éducation, et qui est confronté à la violence et la bassesse de ses congénères. Il y a quelque chose de primitif  chez Silence : il ressent des sensations aussi basiques que la douleur, la faim, la peine, il perçoit  la beauté mais il est incapable de sentiments complexes tels que la jalousie ou la haine. Silence agit de manière instinctive avec la préoccupation permanente de servir son prochain.

La dimension fantastique du récit est une caractéristique majeure des albums de Comés.  L’auteur se complait à user de ressorts fantastiques dans ces récits  (Cf. Eva ou la Belette  du même auteur où la magie noire et  les pratiques de sorcellerie sont toujours présentes).

Silence illustre avec brio les multiples talents de Comès : la qualité du dessin en noir et blanc (certaines scènes sous la neige sont superbes), le sens du détail, la virtuosité du récit et cette capacité à créer des personnages inoubliables. Les personnages sont très fouillés, le récit est très limpide. On se laisse envouter par cette histoire. Certes, il y a un vague goût de vengeance aux relents chabroliens mais la dimension fantastique lui donne une consistance supplémentaire.

Attention, ce n’est pas un récit facile mais on en ressort avec des images fortes en tête.

Je suis très souvent passé à côté de cet album sans avoir le courage – ou  l’envie – de m’y plonger. Son titre, le trait du dessin, le visage si caractéristique de Silence m’en détournait sans doute.

Finalement c’est avec un immense plaisir que j’ai découvert cet album dont je comprends qu’il soit considéré comme un album de référence.

Le personnage de Silence figure à mon panthéon personnel des personnages mythiques du 9ème art aux côtés d’un Philémon ou du Polzini de Blast.

Cet album a reçu l’Alphart du meilleur album à Angoulême en 1980.

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