Deuxième volet de notre mini série consacrée à Joseph Gillain dit Jijé. Coup de projecteur sur le premier personnage vedette adulte du journal Spirou dans les années quarante: Jean Valhardi.
Synopsis
Tandis qu’il roule de bon matin sur la Nationale 5, Jean Valhardi assiste à une course poursuite qui se termine par un accident. La sortie de route semble avoir été provoquée volontairement par des inconnus qui prennent la fuite à bord du second véhicule. La victime, un jeune journaliste, échappe bientôt à un second attentat à l’hôpital où il vient d’être admis, grâce à une nouvelle intervention de Jean Valhardi.
Ce dernier, qui vient de faire la connaissance d’un jeune photographe nommé Gégène, décide d’enquêter pour dénouer les fils de cette affaire. Retournant sur les lieux de l’accident pour essayer de remonter la piste de ces deux véhicules qui avaient surgis subitement d’une allée avant d’entreprendre leur course-poursuite, les deux comparses identifient bientôt une villa moderne au sein de laquelle un vitrier doit intervenir pour remplacer une vitre qui a été brisée peu de temps auparavant. Se présentant à la porte, ils sont éconduits par une homme d’origine asiatique. Profitant de l’absence du propriétaire, ils décident de pénétrer dans la maison.
Jean Valhardi fut le premier héros vedette d’âge adulte de Spirou. Le personnage fut créé par Jean Doisy (rédacteur en chef du journal de 1938 à 1955) au début des années quarante et le dessin fut confié à Jijé, pierre angulaire de la rédaction à cette époque.
La première aventure parait dans le quarantième numéro de l’année 1941. Jean Doisy scénarisera les aventures du personnage jusqu’en 1951 avant de transmettre, dans un premier temps, le flambeau à Jean-Michel Charlier, puis ensuite à Jijé. Au total, pas moins de 5 scénaristes se succéderont au chevet de la série pendant ses années fastes (Doisy, Charlier, Jijé, Philip, Mouminoux) tandis que le dessin sera essentiellement assuré par Jijé à l’exception d’un intervalle assuré par Eddy Paape entre 1946 et 1956 (première illustration de Paape à l’occasion de l’histoire Valhardi et les Rubens). Le duo Charlier / Paape en profitera pour nous offrir quelques-unes des meilleures histoires de Valhardi : Le Chateau Maudit –publié en feuilleton sous le titre Jean Valhardi contre le Monstre- le rayon super-gamma et La machine à conquérir le monde.
La série raconte les aventures d’un enquêteur en assurances qui parcourt le monde pour les besoins de son activité professionnelle. Toutefois, à l’image de ses prestigieux contemporains (Tintin, Lefranc), son métier s’efface progressivement au profit de sa condition d’aventurier.
Avec Jean Valhardi, les auteurs réussissent la prouesse de créer un personnage portant les attributs des grands héros américains de l’époque (Dick Tracy, ….) dans une publication paraissant en zone occupée. Une grille de lecture simplifiée permettrait de considérer que ce héros grand, musclé, puissant, et blond de surcroît, correspondait aux canons physiques des forces d’occupation tout en incarnant l’état d’esprit des ADS (Amis De Spirou) : Loyauté, courage. Quoi qu’il en soit, Jean Doisy, héros de la Résistance ne sera pas inquiété à la Libération bien qu’il ait continué à travailler et à assurer la publication du journal sous l’occupation.
Jean-Michel Charlier dotera le personnage principal d’un faire-valoir peureux nommé Arsène qui disparaitra par la suite au profit de Gégène sous la plume de Jijé. Gégène, un jeune photographe intrépide et amateur de belles carrosseries, deviendra le principal compagnon d’aventures de Valhardi à partir de l’album Soleil Noir.
Soleil Noir marque l’une des rares incursions de Jijé comme scénariste (Soleil Noir, L’affaire Barnes, le grand Rush). Le héros est entrainé dans une histoire d’espionnage qui le mènera au bout du monde, dans une île du pacifique, à la poursuite de dangereux criminels.
Cette histoire, qui est éditée sous format album en 1958, concentre tous les ingrédients des illustrés à succès de l’époque : une intrigue policière mêlée d’espionnage, une superpuissance rêvant de dominer le monde, un scénario tournant autour de l’aéronautique. Rappelons que ce récit se situe respectivement trois et quatre ans après la parution du second tome du Secret de l’Espadon de EP. Jacobs et de La Grande Menace de Jacques Martin (premier album des aventures de Lefranc) qui intègrent tous deux dans leurs récits les mêmes ingrédients, et qui ont rencontré des succès retentissants chez le concurrent Tintin.
Les récits de Valhardi ont rencontré une énorme popularité pendant les années d’occupation car les valeurs du héros étaient très appréciées des jeunes lecteurs dont un père ou un grand frère avaient été mobilisés.
Le personnage de Valhardi inspirera beaucoup de héros par la suite : de Marc Dacier à Ric Hochet, en passant par Gil Jourdan. Ce héros intrépide va occuper les pages de Spirou pendant les décennies 50 et 60. Toutefois, ce personnage n’accédera jamais à la notoriété qu’il mérite, sans doute parce qu’il restera trop lisse, trop parfait.
Il faut souligner le remarquable travail des éditions Dupuis qui ont regroupé depuis 2014 les premières aventures de Valhardi au sein de très belles intégrales reprenant notamment tous les récits courts publiés dans les années quarante.
Présent aux génériques d’une dizaine d’albums, Valhardi reste une création majeure de Jijé bien qu’elle ne rivalise pas dans son esprit avec la série qui restera sa grande fierté : Jerry Spring, dont nous parlerons dans un prochain article.
Pour les fans de la bande dessinée belge des années quarante, je ne peux que vous conseiller de feuilleter ou d’acquérir les très belles intégrales de Dupuis. Bonne plongée dans l’âge d’or de la bd.
Dessin : Jijé
Année : 1958
Editeur : Dupuis
Chroniqueur : Arnaud
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