Avec Café Zombo Régis Loisel est de retour au dessin et au scénario pour la première fois depuis Peter Pan. Chronique d’une incursion réussie dans l’univers de Mickey.
Synopsis:
Etats-unis, Années 30. Tandis qu’ils font la queue devant le bureau des embauches pour un emploi journalier de mécaniciens, la candidature de Mickey et d’Horace est une nouvelle fois rejetée pour des motifs incompréhensibles. Dépités, les deux compères décident, malgré tout, d’emmener Minnie et Clarabelle en camping pour aller passer quelques jours à la compagne en compagnie de Donald. Cependant, à leur retour, ils ont la désagréable surprise de découvrir que les maisons de leur quartier font l’objet d’un arrêté d’expropriation. En effet, Rock Füller, un investisseur sans scrupules a profité de l’absence des femmes et des enfants, partis en camp de vacances – pour racheter à bas prix tous les pavillons du quartier afin d’y construire un terrain de Golf. Bien décidés à ne pas se laisser faire, Mickey et Horace entreprennent de lutter contre ce danger.
Avis:
C’est une anecdote qui date de janvier 2015. A l’occasion du festival d’Angoulême, tandis que j’interrogeais Régis Loisel sur le type de projet qui pourrait le ramener vers la planche à dessins, il me répondait qu’il avait très envie de dessiner un album de Mickey dans un format à l’italienne. A l’époque, je m’étais interrogé sur ce projet qui me paraissait « improbable ». Cependant, peut-être que le projet était déjà dans les cartons puisque, deux ans plus tard, je tiens aujourd’hui entre mes mains Le Mickey de Loisel, Café Zombo. Témoin du retour réussi de l’auteur au dessin.
Cet album est le quatrième d’une collection qui a permis – à l’initiative de Jacques Glénat – à des auteurs confirmés (Loisel, Tebo, Cosey, Keramidas & Trondheim) d’adapter le personnage de Mickey pour des créations originales. Malgré les quelques contraintes imposées par les studios Disney (les personnages ne doivent jamais manger d’animaux, Mickey et Minnie ne doivent pas sortir le matin d’une même maison, le port d’armes est déconseillé…) le résultat est très plaisant car chaque auteur a réussi à donner une touche personnelle à son ouvrage.
Café Zombo est – à mon avis – le plus abouti car le plus « transgressif ». D’emblée, Loisel inscrit son intrigue dans un contexte historique daté et plus réaliste : la grande crise des années 30 aux Etats-Unis. Période qui correspond à la création du personnage de Mickey (date de naissance officielle le 18 novembre 1928, à l’occasion de sa première apparition dans le dessin animé Steamboat Willie). Mickey et son comparse Horace peinent à trouver un emploi journalier et se retrouvent pris dans une machination ourdie par des investisseurs sans scrupules.
Au-delà de la simple aventure comique, cette histoire prend l’aspect d’une satire sociale dans laquelle Loisel confronte son héros à la spéculation financière, à la drogue et à la malbouffe. Jouissif. L’odieux Pat Hibulaire est à la solde d’un entrepreneur malhonnête, un certain Rock Füller, qui souhaite racheter à bas prix une zone pavillonnaire pour en faire un terrain de golf. Afin de profiter d’une main d’œuvre à bas prix, il n’hésite pas à distribuer gratuitement des paquets de café qui annihilent toute volonté de ceux qui en consomment. A la fois dealer et esclavagiste, le personnage de Rock Füller est une caricature des excès d’une société capitaliste qui emploie tous les stratagèmes pour arriver à ses fins.
Dans le monde de Loisel, les héros tombent souvent le masque. A l’image de la fée Clochette rancunière et vicieuse de Peter Pan, le Mickey de Loisel n’est plus simplement une gentille petite souris aventurière et sympathique. C’est un personnage volontiers moqueur, un tantinet agressif et parfois grossier, pour notre plus grand plaisir. Dans la même veine, on découvre une Minnie un tantinet esclavagiste qui n’hésite pas à exploiter Dingo pour que ce dernier l’aide à nettoyer sa maison. Un Mickey bagarreur, une Minnie esclavagiste : Loisel fait voler en éclats les mythes de notre enfance.
Mention spéciale au dessin et à la mise en page très dynamiques servis en cela par le format à l’italienne qui accentue le mouvement grâce à des strips horizontaux. Loisel rend hommage, dans son style très typé années 30, aux personnages au dessinateur Floyd Gottfreson dont la lecture des planches avait enchanté le petit Régis enfant.
Derrière une histoire comique et dynamique, Loisel nous offre donc une intrigue engagée qui ravira petits et grands. Un coup de maître pour un retour réussi.
Scénario : Loisel
Dessin : Loisel
Année : 2016
Editeur : Glénat
Chroniqueur : Arnaud
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