Dracula

Gothique, envoûtant, sensuel, le personnage de Dracula est de retour avec une adaptation magistrale de Georges Bess. Un somptueux one-shoot de plus de 200 pages qui constitue l’un des albums de la rentrée 2019.

Synopsis

Fin du 19ème siècle. Mandaté par son employeur, un jeune clerc de notaire anglais prénommé Jonathan Harker est envoyé en Europe Centrale pour conclure la vente de diverses propriétés anglaises à un richissime acquéreur qui vit reclus dans un monumental château perché dans les montagnes de Transylvanie.

Au terme d’un périple harassant qui l’a mené en train de Paris à Budapest, Jonathan Harker parvient enfin, à la nuit tombée, à Bistritz au cœur des Carpates. A peine arrivé à l’auberge qui lui a été indiquée par son futur hôte, on lui remet un pli qui lui indique qu’il devra prendre le lendemain une diligence qui le mènera au col de Borgo.

Tandis qu’il essaie de s’enquérir auprès du couple d’aubergistes quant‘à l’identité de son correspondant, leur hospitalité initiale cède soudainement place à la terreur et il peut obtenir davantage d’informations. Après une nuit difficile, peuplée de cauchemars et de visions terrifiantes, le jeune homme se présente à l’arrêt de la diligence pour poursuivre son voyage. Alors qu’il va embarquer, il voit se précipiter vers lui la femme de l’aubergiste qui tente de le retenir, proférant des propos qu’il peut comprendre. Devant son refus, la femme lui passe hâtivement au cou son propre chapelet avant de tourner les talons et de s’enfuir. Quand il quitte la place du village, rendu mal à l’aise par cette scène dont il n’a pas perçu le sens, Jonathan ne peut s’empêcher de remarquer les regards mêlés de pitié et de terreur que lui jettent les habitants.

Le trajet se déroule dans un silence pesant, accentué par les difficultés éprouvées par la diligence pour se frayer un chemin sur ces routes escarpées rendues dangereuses par l’accumulation de neige et de givre. Parvenu au col de Borgo, le jeune clerc est littéralement abandonné par le conducteur qui lance ses chevaux à fond de train pour s’éloigner au plus vite de cet encombrant passager.

Jonathan se retrouve seul, dans l’obscurité et le froid, au cœur d’une forêt dense et inhospitalière, à attendre avec anxiété la diligence de son futur hôte, le Comte Vlad Tepes, également connu sous le nom de Comte Dracula.

Avis

Adaptation du roman éponyme de Bram Stocker paru en 1897, le Dracula de George Bess est une œuvre monumentale, fascinante, effrayante et attirante à la fois. Un des albums les plus marquants de cette rentrée 2019.

Publié sous forme de roman épistolaire, le récit de Bram Stocker date de la fin du 19ème siècle et même si il reprend une thématique qui existait auparavant dans la littérature fantastique, il marque la quintessence du genre, établissant une image du vampire beaucoup plus ambiguë que celle développée par ses prédécesseurs.

De fait, les premiers récits de vampires datent du début du 18ème siècle, en Europe centrale, mais ils insistent sur la thématique de revenants issus des champs de bataille, qui reviennent sous la forme de vampires pour visiter leurs aimés et leurs proches, causant mort et désolation.

Dans l’œuvre de Bram Stocker, la thématique de la mort est couplée à la transgression et au désir sexuel, ce qui un marque un tournant dans l’évolution du mythe du vampire.

De fait, le roman de Bram Stocker s’inscrit dans la lignée des œuvres néogothiques d’Oscar Wilde (Le portrait de Dorian Gray -1890) et de Robert Louis Stevenson (L’étrange cas du docteur Jekyll et de Mr. Hyde – 1886) – dont il reprend les thèmes de la remise en question des lois naturelles (ensemble de contraintes qui sont commandées par la raison pour assurer à l’homme sa bonne conservation – NDA) – mais il est également contemporain de l’affaire de Jack L’éventreur qui défraya la chronique à Londres en 1888.

La cruauté des pratiques et la connotation sexuelle des meurtres opérés sur une population de prostituées ébranla fortement la société puritaine anglo-saxonne et l’amena à s’interroger sur l’évolution de ses mœurs et sur la transgression des tabous.

L’œuvre de Bram Stocker s’inscrit dans cette thématique d’association de mort et de désir sexuel qui est parfaitement illustré dans l’album de George Bess.

Georges Bess est un dessinateur chevronné auquel on doit de nombreux titres dont les plus connus du grand public restent les séries Le Lama Blanc, et Juan Solo sur des scénarios d’Alejandro Jodorowsky. Mais c’est oublier un peu vite que Georges Bess commença sa carrière dans les années 70 en collaborant au magazine Mad, reprenant notamment le personnage du Fantôme du Bengale créé par Lee Falk pour une cinquantaine d’histoires.

Dans ce nouvel album, Georges Bess donne toute la mesure de son talent, et nul doute que cette publication va lui permettre de toucher un nouveau lectorat qui n’a pas nécessairement eu accès à ses séries précédentes.

Outre la mise en page somptueuse (variation des cadrages, illustrations pleines pages, découpage audacieux), les planches sont magnifiques et certaines illustrations tiennent davantage du tableau que de la simple vignette. Georges Bess parvient avec maestria à retranscrire le sentiment de malaise ressenti par les personnages à l’égard de cet inquiétant personnage qu’est le Comte Dracula

Je ne me lasse pas de feuilleter cet album tant les illustrations sont magnifiques. Le noir et banc sert parfaitement la noirceur du récit et donne de la profondeur au dessin.

Si vous adhérez au dessin, il existe une version grand format et si vous avez un peu de budget, je vous la recommande. Elles vont vite être épuisées.

Merci M. Bess pour cette magistrale déclinaison du mythe de Dracula.

Scénario: Georges Bess / Bram Stocker

Dessin: Georges Bess

Année: 2019

Éditeur: Glénat

 

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