Le 13 décembre 2017, une agréable surprise nous attendait en couverture du Journal de Spirou. A l’occasion du traditionnel numéro spécial Noël, l’hebdomadaire publiait les premières planches de la nouvelle aventure de Théodore Poussin. Chronique d’un retour réussi.
Synopsis
1934 – Depuis que le Capitaine Crabb a dérobé son île à Théodore Poussin, il s’y terre avec ses hommes de mains. Ces derniers, n’ayant aucun goût pour le commerce ou la culture, laissent à l’abandon la plantation et les bâtiments qui achèvent de se dégrader, tandis que ces pirates se morfondent à terre.
De son côté, Théodore, ruiné, erre dans les bas-fonds de Singapour, affublé de ses deux éternels compagnons d’infortune Martin et M. Novembre. Mais, déterminé à récupérer son bien, il achève de passer un pacte secret avec un avocat d’affaires pour obtenir les fonds nécessaires à son projet. Ayant acquis un navire qu’il a immédiatement rebaptisé l’Amok, Poussin et ses comparses achèvent de recruter un équipage d’une trentaine de marins au passé douteux et prêts à tout pour les seconder dans leurs plans. Aux côtés d’un tel équipage, même M. Novembre passerait pour un premier communiant.
Cependant, dans l’ombre, un étrange tueur répondant au doux nom de Colombe ne cesse d’observer les actes de Théodore et d’en référer à un mystérieux correspondant. Bientôt l’équipage est prêt à appareiller.
Avis
Le 13 décembre 2017, une agréable surprise nous attendait en couverture du Journal de Spirou. A l’occasion du traditionnel numéro spécial Noël, l’hebdomadaire publiait les premières planches de la nouvelle aventure de Théodore Poussin. Seize pages d’un coup après treize ans d’absence, un vrai cadeau de saison.
Faisant suite à cette prépublication, l’album intitulé Le dernier voyage de l’Amok est maintenant disponible en librairie aux éditions Dupuis et c’est l’objet de notre chronique du jour.
Théodore Poussin est un personnage singulier dans le paysage de la bande dessinée. Publication qui semblait destinée principalement aux jeunes lecteurs à ses débuts, le récit a pris en épaisseur au fil des aventures. Le héros a vieilli, il a pris des coups aussi. Il s’est étoffé au sens propre comme au sens figuré tandis que dans le même temps, son lectorat d’origine avançait dans l’âge lui aussi. Théodore est devenu un personnage familier, presque un camarade de classe que nous aurions perdu de vue depuis de longues années. Une connaissance qui témoigne d’un vécu commun, qui a poursuivi sa route de son côté et que l’on recroise un beau jour avec plaisir au coin d’une rue.
Après un premier cycle initiatique – auquel j’avais déjà fait référence dans sur ce blog à l’occasion d’une chronique sur le sixième album intitulé Un passager porté disparu – qui présentait un personnage avide de voyages et d’aventures et qui se retrouvait subitement ballotté par le destin, exilé involontaire en Asie du sud-est et tentant vainement de réunir quelques fonds pour rentrer en Europe, le second cycle a permis à Théodore de s’affirmer et de prendre conscience de ses aspirations.
Etant reparti en Asie, Théodore a successivement affronté une île légendaire (La maison dans l’île), un complot politique dans un pays en quête d’émancipation (le dyptique La terrasse des audiences) et les prémices de la vie de propriétaire terrien en quête de stabilité sentimentale (les Jalousies, dernier opus paru en 2005).
Celui qui rêvait de diriger une plantation dans une île paradisiaque et de fonder une famille avait enfin atteint son but. Mais c’était sans compter avec un destin contraire qui vous joue des tours et qui fait parfois ressurgir des fantômes du passé. Pour Théodore, ce fantôme aura pris les traits du Capitaine Crabb. Au terme du précédent opus, nous avions finalement laissé Théodore chassé de son île, dépossédé de sa cocoteraie, dérivant sur un frêle canot.
Au-delà du récit que je vous laisserai le plaisir de découvrir au fil des pages, l’intérêt principal réside une nouvelle fois – à mon sens – dans l’évolution de la psychologie du personnage et dans l’évocation de cet univers d’aventures feuilletonesques propre aux années trente.
Nous retrouvons un personnage avide de vengeance – un sentiment nouveau pour Théodore. Un héros désireux de prendre en main son destin pour éviter de le subir une nouvelle fois. Théodore se fait volontiers intrigant, manipulateur. Il n’hésite pas à engager une bande de trompe la mort, qu’il aurait répugné à côtoyer précédemment, pour reprendre son bien. Certes, ses mains tremblent encore quand il s’agit de lancer ses troupes à l’assaut de son ancienne île, mais il a pris confiance en lui et ne rechigne plus à faire acte de violence. Avec l’âge, les pratiques du défunt Capitaine Steene ne pointeraient-elles pas sous le vernis de bonhomie apparente de Théodore.
Avec l’âge, le héros se laisse aller à franchir des limites au-delà desquelles son lointain cousin Tintin ne s’est jamais risqué, se rapprochant en cela d’un autre illustre personnage répondant au prénom de Corto. Théodore partage avec ce dernier, le goût des épopées désintéressées et des intrigues romantiques. Une mue assumée et réussie.
Dessin: Franck Le Gall
Année: 2018
Date de sortie: 19 Janvier 2018
Éditeur: Dupuis
Collection: Dupuis « Grand Public »
Prix: 14,50 €
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