Coup de projecteur sur un auteur majeur de la bande dessinée d’expression française en la personne de Gotlib au travers l’un de ses personnages légendaires : Gai-Luron.
Marcel Gotlib a de l’humour pour tous
Gotlib, prénom Marcel, star plus qu’incontournable de la bande dessinée d’expression française, né le 14 juillet 1934 et disparu l’hiver dernier, est l’un des rares dessinateurs de BDs à avoir dessiné pour tous les publics, et à travers ses créations le plus souvent spécifiquement pour une tranche d’âges de lecteurs.
Il commence sa carrière de dessinateur par des œuvres à destination des enfants, des livres illustrés et surtout sa série mettant en scène le chien Gai-Luron.
Il continuera avec Les DingoDossiers (Goscinny au scénario) et La Rubrique-à-brac plutôt à destination des préados/ados et enfin, avec ses 2 compères Mandryka et Brétecher, il crée des bandes dessinées des plus adultes dans l’Echo des Savanes (1ere version) (histoires rassemblées dans les albums Rhââ Lovely et Rhâ Gnagna).
Gotlib trouve un premier travail à l’âge de 20 ans dans les Studios Winckler, l’éditeur du Journal de Mickey, il y fera alors les lettrages de nombreuses BDs, conservant tout au long de ses diverses productions cette typographie immédiatement reconnaissable et surtout parfaitement lisible. C’est là, au sein des Studios Winckler qu’il rencontrera sa future épouse Claudie.
Puis il est engagé à Vaillant, sa première BD paraissant en sept. 62, et il y crée la série intitulée Nanar et Jujube (planches réunies dans l’album Nanar, Jujube et Piette).
Gai-Luron apparaît une première fois, dans cette série, dans le numéro 1000 de Vaillant, paru le 12 juillet 1964, soit quasiment le jour anniversaire des 30 ans de Gotlib !
Gai-Luron, un héros qui a du chien…
Gai-Luron, chien du voisin, qui n’a pas à ses débuts le physique que nous lui connaissons (Cf. image de gauche), éclipse rapidement ses compagnons pour devenir la superstar de la série, conservant simplement Jujube comme comparse. La série s’appellera désormais Gai-Luron ou la joie de vivre (Cf. image de droite).
Pour le personnage, Gotlib reconnaît s’être inspiré du Droopy de Tex Avery. Il s’en éloigne peu à peu pour en faire un « héros » bien spécifique, qui passe beaucoup de son temps à dormir et qui rêve… qu’il dort !
C’est aussi des Etats Unis, et particulièrement du magazine MAD, fondé par Kurtzman que viendra l’inspiration de ces parodies de grands héros qui seront l’une des thématiques récurrentes des aventures de Gai-Luron.
On découvrira ainsi des Gai-Luron en Zorro = Gai-Lorro, Gai-Lurobin des bois, Gai-Lurzan (pour Tarzan, cible privilégiée de Gotlib) mais aussi du Gai-Lurhodja parodie de Nasdine Hodja de Lecureux et Le Guen, alors grande série du journal.
Revient aussi régulièrement le gag du jeune lecteur du Var, Jean-Pierre Liégeois, nom emprunté au beau père de Gotlib, qui adresse des courriers au journal posant des questions pertinentes ou embarrassantes auxquelles Gai Luron et Jujube ont bien du mal à répondre
Une petite souris (ancêtre de la fameuse Coccinelle de Gotlib) viendra aussi accompagner et surtout commenter les « péripéties du héros ». Cela dans une sorte de décalage, second niveau, que l’on retrouve quand Gotlib lui même se met en scène (déjà) dans sa BD, Gai-Luron passant d’une trappe dans son plafond et sortant d’un encrier pour aller interpeller son auteur !
La série et son humour particulier en feront l’une des bandes dessinées les plus appréciées du journal et participera au succès du journal devenu Pif Gadget.
Et comme pour toutes les grandes séries des éditions Vaillant, Gai-Luron aura droit à sa propre collection de poche avec des gags en 4 cases et quasi une quarantaine de numéros !
En revanche, les éditions Vaillant n’ayant jamais développé de politique éditoriale d’albums (ce qui est fort dommage, vu le patrimoine) il faudra attendre 1975, lorsque Gotlib créera sa propre maison d’édition, Audie, pour découvrir enfin une véritable publication de l’ensemble des planches de ce personnage. Tout d’abord en albums trés simples puis gagnant en couleurs. Ce sera aussi l’occasion de développer de nombreux produits dérivés, le personnage s’y prêtant fort bien. (image)
La série continuera jusqu’aux débuts des années 80, sous la plume de Dufranne un temps assistant, bien après que Gotlib soit parti vers d’autres aventures.
En 1986, Gotlib reprendra une dernière fois son personnage pour un ultime album, Gai-Luron en slip, où Gai-Luron se découvrira adulte et hésitera à abandonner la bataille navale habituelle avec sa compagne Belle-Lurette pour d’autres jeux. Et en 2016, Fabcaro et Pixel Vengeur relanceront la série, même si cela est assez réussi, rien remplacera cet humour tendre et absurde propre à Gotlib.
Tout Gotlib est déjà présent dans Gai-Luron, comme tout peut l’être dans l’enfant que nous avons été.
Conseils de lecture:
Nanar, Jujube et Piette (Éditions Glénat) avec la 1ere apparition de Gai-Luron,
Et chez Audie :
- Les intégrales Gai-Luron ou les nouvelles rééditions en albums (2 en septembre, titres magnifiques : Gai-Luron n’engendre pas la mélancolie et Gai-Luron tire une tronche pas possible),
- et encore Les Nouvelles aventures de Gai-Luron par Fabcaro et Pixel Vengeur,
Cet article est dédié à ma mère
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