Pour bien commencer cette nouvelle année, coup de projecteur sur un auteur majeur de la bande dessinée Franco-Belge : Joseph Gillain, dit Jijé. Aujourd’hui, première partie consacrée à Blondin et Cirage.
Bien connu pour ses séries réalistes: Jerry Spring, Valhardi, et plus tard Tanguy et Laverdure (actuellement en cours de republication en intégrale), Joseph Gillain dit Jijé (1914-1980), a aussi œuvré dans la veine humoristique. C’est même ainsi qu’il débuta, en 1936, avec Jojo, un personnage proche de Tintin. Mais c’est sa série Blondin et Cirage qui restera la plus populaire.
Après le succès de Don Bosco, il se consacre à Emmanuel, la vie du Christ (un four dira-t-il plus tard) et quand il part en 1947 aux Etats-Unis et au Mexique avec ses disciples Morris et Franquin, il confie l’ensemble de ses séries à d’autres auteurs : Valhardi à Paape, Spirou à Franquin (qui reviendra très vite en Belgique) et Blondin et Cirage à Hubinon.
Quand il reprendra la série, il l’enrichira de sa connaissance du Nouveau Monde. On voit clairement, dans l’aventure Blondin et Cirage au Mexique (tiens, tiens), tous les enseignements qu’a pu lui apporter son périple : le vécu, les gens, les langues, la véracité des paysages et des espaces parcourus et une maturité au contact des bandes dessinées américaines découvertes. Il développera alors les récits les plus aboutis de la série.
En parallèle, il dessine une bande moins connue dans le style roman photo : El Senserenico… avant de se consacrer pleinement à sa splendide série Jerry Spring.
Blondin et Cirage
La série créée en 1939 dans le journal Petits Belges, raconte les aventures de deux garçons à travers le monde, qui les mèneront des Amériques, en passant par l’Afrique, jusqu’au Tibet et la découverte de soucoupes volantes. Blondin est un petit blondinet qui se pose plein de questions et Cirage, le petit noir débrouillard qui va toujours de l’avant.
Ce dernier, a été créé en réaction à Tintin au Congo, où les Africains étaient montrés comme des simples d’esprit. C’est presque lui le héros de la série. Jeunes Ailes, la seule aventure, publiée pendant la guerre, où il n’apparaît pas, sera la plus fade, sans grand humour. Ce sont les interventions de Cirage qui démêlent le plus souvent les fils des enquêtes.
Les premières aventures publiées dans Petits Belges rencontrent un grand succès malgré la simplicité du dessin et des histoires. Elles donneront suite à 3 albums : Blondin et Cirage en Amérique, Blondin et Cirage contre les gangsters et Jeunes Ailes. Mais les bonnes sœurs se retournent vers Jijé et lui demandent d’interrompre la série qui, disent-elles, « dissipait les enfants ! ». Quand ils verront les ventes de l’hebdomadaire baisser, les curés reviendront vers l’auteur, mais un peu tard. Celui-ci propriétaire des personnages les cède à Georges Troisfontaines (patron de l’agence World Press et pourvoyeur de bandes dessinées pour les magazines) qui les fera paraître dans Spirou sous la plume de Hubinon.Il réalisera une seule aventure, Les Nouvelles Aventures de Blondin et Cirage. L’album reste un collector car les films ayant servis à l’impression ont brûlé.
En 1951, Jijé reprend les rênes, d’autant plus facilement qu’Hubinon s’est tourné vers d’autres récits réalistes (Buck Danny, récits de l’Oncle Paul entre autres) et qu’il demeure plus à l’aise dans ce domaine. Jijé enchaîne alors cinq aventures : Blondin et Cirage au Mexique, Le Nègre blanc, Kamiliola, Silence on tourne ! et Blondin et Cirage découvrent les soucoupes volantes, où notre duo se fera de nouveaux amis, Conchita au Mexique, le petit prince Pwa-Kasé en Afrique qui apparaîtront dans plusieurs histoires.
La série respire la joie de vivre et la fantaisie, elle se caractérise par son esprit de fraternité, de gentillesse. Par exemple quand Cirage croit que le méchant de l’histoire est en train de mourir (ce qui n’arrive jamais), il en sera tout bouleversé (voir image ci-contre).
Aimant aussi les parodies et les caricatures, Jijé se moque des films de Tarzan dans Silence on tourne !, et il inventera un double, pataud et goinfre, du Marsupilami (que l’on retrouve sur un mur peint bruxellois). dans l’une des plus loufoques aventures : Les Soucoupes volantes.
Cette dernière longue histoire, publiée en 1954, à laquelle Franquin participera, emmène nos héros sur les hauteurs du Tibet où vivent d’étranges hommes des neiges voyageant en soucoupes volantes. Elle clôturera avec panache la série d’albums, Jijé étant vite absorbé par ses grandes séries, Jerry Spring et Valhardi.
Blondin et Cirage feront une ultime apparition dans Spirou, en décembre 1963, avec un joli et court récit de Noël, où l’on croise parmi d’autres, le comte de Champignac, Buck Danny, Valhardi…
On ne peut qu’espérer une republication de toutes ces joyeuses aventures, sous la forme d’une belle intégrale, comme Dupuis sait les faire.
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