BD documentaire, Homicide nous plonge dans le quotidien des services de police de la ville de Baltimore à la fin des années 80. Découvrez le quotidien d’officiers qui doivent concentrer toute leur énergie et leur attention pour résoudre des enquêtes délicates tout en respectant scrupuleusement les règlements administratifs. Par le scénariste de la série The Wire et le dessinateur de Saison Brune.
Avis
Baltimore 1988 – Pendant 12 mois, à la fin des années 80, David Simon, alors journaliste au Baltimore Sun, décide de s’immerger au sein de la division des enquêtes criminelles de sa ville.
Avec plus de 240 meurtres à traiter par an, les hommes de cette brigade sont sans cesse sur la brèche, menant bien souvent plus de trois enquêtes en parallèle. Règlements de comptes entre dealers, drames familiaux ou faits divers sordides constituent leur quotidien et ils disposent bien souvent d’un laps de temps très limité pour mener à terme une enquête avant de se voir confier un nouveau dossier.
Fruit de cette immersion en eaux profondes, David Simon publiera un roman documentaire intitulé Homicide, a year on the killing streets avant de devenir scénariste pour les séries TV Homicides et The Wire. C’est ce premier ouvrage qui fait ici l’objet d’une adaptation BD par Philippe Squarzoni. Prévue en quatre tomes, le premier opus vient d’être publié par les éditions Delcourt.
Philippe Squarzoni est un auteur de documentaires BD auquel on doit notamment le très remarqué Saison Brune (2011) sur les changements climatiques.
A la lecture du roman de David Simon, il décide de s’emparer de cet univers et obtient l’aval de l’auteur. Il ressort de cette collaboration, un récit précis, épuré, presque distancié, du quotidien de ces enquêteurs qui doivent sans relâche mener des enquêtes de terrain et remplir un grand nombre de documents administratifs qui serviront parfois à élucider un crime.
Très éloigné de l’imaginaire collectif du quotidien des services de police qui était véhiculé à cette époque par les séries télévisées ou les productions hollywoodiennes (courses de voiture, bagarres, échanges de coups de feu, confrontations théâtrales) cette série nous fait pénétrer dans un univers très administratif et très routinier, fait d’enquêtes de terrain laborieuses et minutieuses, d’interrogatoires menés jusqu’au bout de la nuit auprès de témoins ou de proches des victimes qui mentent systématiquement, tout l’enjeu étant de comprendre qui ment le plus.
Ne vous attendez pas à un festival de coups de feu, de rebondissements spectaculaires, de criminels romantiques ou d’indices à découvrir. Cet album décrit le réel, il parle d’hommes dont la tâche consiste à essayer de rendre justice à une victime, de petites victoires du quotidien et parfois, presque de sacerdoce.
Cet album décrit également avec justesse le fonctionnement des départements de police aux USA, avec leur chaîne hiérarchique qui aboutit à un commissaire divisionnaire qui agit sous la responsabilité du Maire. Une réélection peut dépendre de la capacité d’un organe de police à traiter des faits divers, à arrêter des criminels, à rassurer une population. Il faut des résultats, des chiffres en hausse qui permettront de démontrer le bien-fondé d’un engagement, d’une promesse d’action.
La palette graphique retenue est volontairement sobre : dégradés de noir, de gris, de marron pâle. Ici nulle trace d’un ciel bleu ou d’une pelouse verte. Seule émerge par endroit le rouge vif dont est fait le sang des victimes ou le jaune des cordons de sécurité.
La monotonie du quotidien de ces policiers est également transcrite par le choix de la mise en scène. Des plans larges pour décrire une scène de crime, des plans serrés pour détailler le visage des hommes et parfois des plans très répétitifs pour souligner la monotonie ou la fatuité des enquêtes de voisinage auprès d’une population qui ne souhaite pas apporter son concours, par peur des représailles ou par lassitude.
Pas de ciel bleu à Baltimore mais une chape de plomb et des bureaux baignés d’une éternelle lumière blafarde.
Prenez votre temps pour lire et relire cet album, c’est instructif, une bonne entrée en matière, reste à voir comment évoluera la narration. Rendez-vous au prochain tome.
Scénario : David Simon / Philippe Squarzoni
Dessin : Philippe Squarzoni
Année : 2016
Editeur : Delcourt
Chroniqueur : Arnaud
Copyright Delcourt
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