Trois petites frappes marseillaises ont vu ce qu’elles ne devaient pas voir et gagnent involontairement par la même occasion un ticket pour l’enfer. Un roman noir avec en toile de fond les fameux Bataillons d’Afrique. Une bonne surprise découverte à l’occasion du dernier festival d’Angoulême. En bonus, Julien Monier le dessinateur est en séance dédicace le samedi 21 mai à la librairie Mémoire 7 à Clamart en partenariat avec Rosebul.
Synopsis :
Marseille -1930. Trois jeunes compères un peu désœuvrés errent sur le Vieux-Port à la veille de leur incorporation pour le service militaire. Il y a là Aristide le géant sensible, Claudio le teigneux et Jules le meneur qui passe son temps à jouer avec une balle, unique leg de son défunt père. Désireux de profiter de leur dernière soirée en tant que civils, mais fauchés comme les blés, les trois compères se laissent entraîner par Jules dans un cambriolage. Tandis que ce dernier et Aristide s’introduisent par effraction dans un appartement, Claudio est censé faire le guet au rez-de-chaussée.
Mauvaise pioche, outre quelques billets, les deux lascars tombent surtout par mégarde sur le corps sans vie d’un jeune garçon, gisant nu sur le plancher de la chambre du logement. Pris de panique, les apprentis cambrioleurs s’enfuient dans les escaliers où ils croisent un homme d’âge mûr qui s’avère être le propriétaire du logement. Claudio, dont l’attention a été détournée par deux jeunes donzelles, a laissé pénétrer l’homme dans l’immeuble sans en avertir ses camarades comme convenu.
Bien que pris pour cible par l’homme depuis son balcon, les trois lascars parviennent à s’échapper et se rendent dans un bordel proche pour y passer la nuit. Le lendemain, ils rejoignent leur caserne pour y être incorporés.
Dans le même temps, le propriétaire de l’appartement – qui s’avère être un colonel de l’armé – sollicite les malfrats du Vieux-Port pour connaître le nom des trois inconnus. Rapidement, les trois compères sont identifiés par un mafieux local en raison notamment des confidences faites à une prostitué par Claudio lors de leur dernière nuit marseillaise.
Les trois collègues se retrouvent envoyés illico à Foum Tataouine, incorporés dans les fameux Bataillons d’Afrique, suite à l’intervention du colonel qui a décidé de se débarrasser d’eux. A peine sont ils arrivés sur place qu’ils sont passés à tabac sur ordre du sergent local. Leur enfer va commencer.
Avis :
Les Bataillons d’Infanterie Légère d’Afrique, plus connus sous le nom de Bat’ d’Af’, étaient une unité militaire créée en 1832 qui regroupait « des militaires condamnés à des peines correctionnelles par la justice militaire, et des militaires sanctionnés par l’envoi dans les compagnies de discipline » (source Wikipedia).
Ces bataillons faisaient partie de l’arsenal répressif de l’armée française et la discipline qui y était pratiquée était – selon les témoignages – extrêmement dure, voire expéditive. Outre des condamnés militaires, on y retrouvait également les individus ayant un casier judiciaire chargé et qui devaient effectuer leur service national.
Célèbres pour leurs tatouages, ces bataillons regroupaient une population de durs à cuire, aux rites brutaux reposant sur une relation dominants-dominés. Divisées en plusieurs catégories, certaines unités avaient vocation à combattre tandis que d’autres n’avaient vocation qu’à casser des cailloux sous un soleil de plomb.
Julien Monier (dessin) et Frédéric Chabaud (scénario) ont donc choisi pour toile de fond de ce roman noir cet univers semi-carcéral qui a existé dans les colonies françaises à cheval sur les 19ème et 20ème siècles.
Sans concession, sans rémission possible, cette histoire nous entraine sur les pas de trois amis qu’une mauvaise rencontre va envoyer en enfer. Ce gang de petites frappes, dont la solidarité était le principal atout, va subir la cruauté implacable et sadique de ses tortionnaires.
Histoire d’amitié brisée, de vengeance sordide, de destinée familiale tragique, les auteurs nous offrent un récit linéaire, fluide, qui s’appuie sur un scénario solide et une illustration semi-réaliste qui monte en intensité au fil de l’album.
On se laisse volontiers entrainer dans ce récit qui ressemble à un roman réaliste des années cinquante. Un plaisir presque plus intense à la seconde lecture car on peut prendre le temps de savourer les illustrations tandis que la première lecture se fait rapidement tant on souhaite connaître la fin.
Mention spéciale pour cette très superbe couverture (le mix entre les tatouages et l’intensité du regard du personnage) qui attitre immédiatement le regard dans un linéaire. Tout est résumé dans ce dessin : la masculinité exacerbée, la violence du regard.
Une très bonne surprise donc et un album solide qui donne envie de davantage connaître le travail des deux auteurs. Souhait qui devrait être assouvi rapidement puisqu’une nouvelle collaboration intitulée Gant blanc est annoncée cette année.
A noter que cet album est édité par la jeune maison d’édition Filidalo qui a déjà publié deux bons albums cette année (Fatalitas et 13 Devil Street) et dont on attend les prochaines parutions avec curiosité.
Petit bonus, Julien Monier sera en dédicace le 21 mai prochain en partenariat avec Rosebul à la librairie Mémoire 7 à Clamart. Venez nombreux.
Dessin : Julien Monier
Année : 2016
Editeur : Filidalo
Chroniqueur : Arnaud
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