Habibi

Scénario : Craig Thompson

Dessin : Craig Thompson

Synopsis : 

Conte oriental contemporain, Habibi raconte le destin chaotique de deux enfants qui tentent de survivre dans un monde de misère et de violence.

Veuve à 9 neuf ans, la jeune Dodola est réduite à l’esclavage par une bande de pirates du désert. Elle parvient à leur échapper en emportant dans sa fuite le petit Zam, 3 ans, lui évitant une mort certaine du fait de son peu de valeur marchande.

Les deux enfants trouvent refuge dans une improbable épave de bateau, échouée au milieu du désert. Dans ce cocon hors du temps, Dodola va élever et éduquer seule le petit Zam pendant neuf ans. Ce faisant, elle essaye, parfois maladroitement, de le protéger de la cruauté du monde extérieur en le berçant de contes orientaux et en lui apprenant l’histoire de son peuple.

Mais pour survivre, prenant conscience de sa beauté ensorcelante auquel nul ne peut résister, Dodola finira par se résoudre à vendre secrètement ses charmes aux nomades en échange de quelque nourriture.

Séparés par le destin, Dodola et Zam vont s’efforcer de survivre chacun de leur côté malgré la douleur provoquée par l’absence de l’autre. Devenue favorite du Sultan, Dodola va rester prisonnière du palais de longues années tandis que Zam échoue dans les bas-fonds de la ville où il deviendra eunuque, préférant perdre sa virilité que de continuer à éprouver un désir coupable pour Dodola.

Devenus adultes, Dodola et Zam parviendront à se retrouver, se retrouvant confrontés à la complexité des sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre.

Avis :

Monumental ouvrage de plus de 600 pages, Habibi se présente sous la forme d’un récit non linéaire qui oscille entre tragédie et conte oriental tout en donnant une large place aux envolées mystiques et religieuses.

Quatrième ouvrage de Craig Thompson publié en France après Adieu Chunky Rice (1999), Blankets, manteau de neige (2003) et Un américain en ballade (2005), Habibi (2011) a demandé à son auteur sept ans de travail pour parvenir à donner à ce nouvel album toute la dimension visuelle et narrative nécessaire à la réalisation de son projet ambitieux. Ne se donnant aucune limite, Craig Thompson a effectué un énorme de travail de documentation pour restituer de manière simple et visuelle certaines croyances du monde musulman.

On retrouve également dans cet ouvrage les thèmes chers à l’auteur : l’éveil des sens, la culpabilité ou l’introspection.

Malgré la densité de l’histoire et les envolées mystiques, l’auteur réussit le pari de ne pas perdre son lecteur. Certes, les premières pages peuvent déstabiliser mais on s’attache à ces personnages, à leurs destins, à leurs interrogations. Craig Thompson utilise avec bonheur les éléments de calligraphie orientaux pour construire des planches d’une étonnante richesse visuelle. On peut parfois rester perplexe mais c’est un ouvrage dans lequel on se replonge avec plaisir.

Dans la foulée de Blankets, Habibi a confirmé l’immense talent d’un auteur hélas trop rare. Un album érudit, onirique, sensuel, servi par un trait sublime.

Mention spéciale au dessin de couverture, sorte de Piéta moderne que je ne me lasse pas de regarder.