Dessin : Enki Bilal
Synopsis
Fin des années 70, par un soir de janvier, un convoi pénètre dans un petit village oublié d’Aragon en Espagne. Les hommes armés qui en descendent procèdent alors à une rafle systématique des habitants et les exécutent lavant d’incendier le village. Dans la foulée, une cassette envoyée à une radio madrilène revendique l’attentat au nom des « Phalanges de l’Ordre Noir », un groupuscule d’extrême-droite constitué d’anciens défenseurs de la République Espagnole.
Choqués par le peu d’échos rencontrés par cet acte de barbarie, tant dans les chancelleries occidentales, qu’au sein des organes de presse internationaux, un groupe de vieillards, anciens membres des brigades internationales, décident de reprendre le combat pour se lancer aux trousses des phalangistes contre lesquels ils ont déjà combattu pendant la guerre civile.
Après avoir franchi clandestinement la frontière par les Pyrénées, la petite troupe parvient à Barcelone, non sans avoir déjà perdu quelques membres, au moment où les phalangistes commettent un nouvel attentat à l’encontre d’un groupe constitué d’anarchistes et de trotskystes avec lequel ils devaient entrer en contact. Ayant retrouvé la trace des terroristes, les héros fatigués s’embarquent à destination de la Sicile à bord d’un rafiot clandestin. La brigade croit se rapprocher de sa proie quand celle-ci lui échappe à nouveau.
Cette ultime lutte sanglante va entraîner ces vieillards au travers d’une Europe en pleine mutation idéologique. Réactivant çà et là d’anciens réseaux de résistance ou frayant avec des organisations douteuses (la Mafia sicilienne, les cabinets secrets du Vatican, les non-violents ou les nouveaux groupuscules terroristes d’extrême-gauche qui apparaissent à cette époque) la Brigade tente de localiser sa proie, usant parfois de moyens extrêmes pour parvenir à ses fins.
Avis
Pré-publié de Septembre 1978 à avril 1979 dans le journal Pilote (numéro 52 à 59), Les Phalanges de l’Ordre Noir marque la quatrième collaboration du duo Pierre Christin / Enki Bilal après La croisière des oubliés (1975), Le vaisseau de pierre (1976) et La ville qui n’existait pas (1977). Pierre Christin, conscient que le trait d’Enki Bilal peut supporter une histoire contemporaine réaliste, signe alors un scénario d’anticipation (pour mémoire 1979 correspond à l’année de la création d’Action Directe en France), romanesque et très documenté qui colle à son époque.
Inspiré par les gravures de Goya (Désastre de la Guerre) et par la lecture de Catalogne Libre de George Orwell (source DBD monographie Pierre Christin – HS07 Décembre 2011) Christin se lance dans le récit de ces hommes et femmes, au crépuscule de leur existence, qui reprennent le combat pour lutter contre une forme d’obscurantisme qu’ils ont déjà affronté par le passé.
En 1979, Enki Bilal a déjà acquis son style propre, caractérisé par un esthétisme épuré et réaliste. Il met au service de Christin son dessin rapide et précis pour servir ce récit noir et sanglant.
On s’attache à ces personnages qui semblent tellement dépassés par les évènements malgré leur volonté et leur courage. Non seulement leurs corps ne les portent plus, mais au-delà de leurs limites physiques, il est manifeste que la réalité les dépasse. On les sent perdus au milieu de ces nouveaux révolutionnaires d’extrême-gauche et de ces trafiquants qui s’apparentent à des gestionnaires.
Ils savent en outre que le temps leur manque et que la majorité d’entre eux ne parviendront pas au terme de leur quête si celle-ci dure trop longtemps. Toutefois ils se battent avec la même volonté que celle qui les animait dans leur jeunesse.
30 ans auparavant, Les Phalanges de l’Ordre Noir préfigure Le long voyage de Lena dans le souci du détail et dans la description des mécanismes de fonctionnement et de financement des groupes terroristes.
Malgré son ancienneté, le récit n’a pas pris une ride. Les couleurs sont justes et les dialogues crédibles. On relit Les Phalanges de l’Ordre Noir comme on visite un monument classé, avec respect mais avec un plaisir sans cesse renouvelé.
Un ouvrage indispensable.
Comment on inverse les choses ici.
Une bande dessinée mettant en scène « un groupuscule d’extrême droite… ».
Notons au passage, que, historiquement, ce sont plutôt les groupuscules d’extrême gauche, trotkistes qui on perpétré ds actes terroristes (et là on n’est pas dans le domaine de la BD !, c’est bien réel).
Le dernier attentat en date : la tuerie de Nanterre commise par un Vert, très à gauche aussi. N’oublions pas les victimes Italiennes des années 70.
C’est beau la BD, mais faut pas prendre les histoires que vous faites comme des faits historiques.