Dessin : Lax
Synopsis
Pyrénées, Juillet 1907. Tandis qu’il effectue son service militaire, Amédée Fario, natif de la vallée d’Esponne dans les Pyrénées, est réquisitionné avec ses camarades de la caserne de Tarbes pour acheminer à pieds, et à dos d’hommes, le matériel nécessaire à la construction de l’observatoire du Pic du Midi. Ce faisant, il se lie d’amitié avec Camille Peyroulet, un astronome qui lui transmet sa passion pour une toute nouvelle compétition sportive : le Tour de France cycliste.
De retour à la vie civile, Amédée qui vit au pied du Tourmalet, n’a plus qu’une idée en tête : participer à la Grande Boucle en tant qu’«isolé », ces participants à titre individuel qui ne bénéficient pas de l’assistance d’une équipe.
Pour financer son projet et acquérir sa première bicyclette, Amédée, se fait engager comme porteur. A compter de ce jour, il enchaîne les ascensions quotidienne du pic du Midi, par tous temps, pour ravitailler les scientifiques, au mépris de l’avis de ses proches qui lui conseille de ralentir ses excursions.
Par un soir d’hiver 1910, Amédée, à bout de forces, chute dans la neige en redescendant et ne doit son salut qu’à la présence d’un refuge proche dans lequel il réussit à se trainer. Cependant, victime de gelures, il doit être amputé de l’intégralité des doigts de pieds. Tandis que tous ses espoirs s’envolent, son ami Camille parvient à lui sculpter des prothèses en bois qui lui permettent bientôt de pouvoir marcher et, surtout de pouvoir pédaler.
En juillet 1911, bien qu’insuffisamment préparé, Amédée est enfin au départ de la Grande Boucle aux cotés des géants de la route.
Avis
L’aigle sans orteils est un récit d’aventures publié chez Dupuis dans la très belle collection Aire Libre. Son auteur, Lax nous entraîne sur les pas, puis dans la roue, d’un jeune homme courageux, ambitieux et obstiné qui devra surmonter de nombreux coups du sort pour enfin pouvoir réaliser son rêve: prendre le départ du tour de France cycliste, à une époque où cette épreuve se déroulait dans des conditions encore plus dantesque qu’aujourd’hui.
Lax ressuscite chez son lecteur le souvenir de ces hommes qui sont entrés dans la légende, bien que nous ne disposions que de très peu d’images de leurs exploits. Les français Petit-Breton, Lapize ou Garrigou, le belge Thys. Ces hommes qui ont gagné les premiers tours de France à une époque où les étapes faisaient quotidiennement plus de 350 kilomètres, sur des routes caillouteuse, au guidon de vélos lourds et peu maniables.
Amédée Fario, son héros, quant à lui, voit dans cette épreuve une opportunité pour échapper à sa condition sociale, un moyen d’être reconnu, d’être aimé aussi, et de peut-être pouvoir offrir à son épouse, la jolie Adeline, le bouquet du vainqueur et une vie meilleure.
On retrouve dans L’aigle sans orteils un thème cher à l’auteur : la capacité de surmonter son handicap. Non seulement Amédée va se dépasser pour pouvoir accomplir son rêve, mais au-delà, il va le masquer pour être autorisé à concourir avec les valides. Avec pertinence, Lax ne s’appesantie pas sur ce handicap, tout au plus l’utilise t’il en tant que ressort narratif.
En amateur éclairé l’auteur est lui-même un cycliste amateur qui prend plaisir à franchir les grands cols en été), Lax nous va fait vivre avec passion cette épopée et nous nous laissons entraîner dans les pas d’Amédée. L’aigle sans orteil est au cyclisme ce que L’enragé de Baru est à la boxe, une ode au sport en tant que vecteur d’ascension sociale, avec ses hauts et ses bas.
Un très bel album, visuellement et dans le récit. Probablement le récit le plus abouti de Lax qui toutefois s’était déjà illustré avec des histoires plus contemporaines. On a envie de se poster sur le bord du chemin pour frapper sans nos mains et pour encourager Amédée dans sa quête comme nous l’avons fait dans notre enfance au bord des routes du Tour.
Enfin, ce n’est pas le moindre des mérites de cet album que de nous rappeler les noms de ces sportifs hors du commun qui ont effectué les premiers tours avant que la tragédie de la guerre 14-18 ne les fauche dans leurs plus belles années, au Chemin des Dames ou à Verdun.
Qui sait si les étoiles d’un Petit-Breton ou un Thys n’auraient pas pu briller au firmament du sport aux cotés de Hinault, Merks, Anquetil ou Indurain.
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