Dessin : Bonin
Synopsis :
A Paris, de nos jours, une étrange épidémie fait son apparition : des personnes en couple ou seules sont retrouvées figées sur place, comme soudainement statufiées.
Les cas se multipliant, une équipe médicale menée par un éminent épistémologue est chargée d’enquêter sur ce phénomène. Rapidement les enquêteurs constatent que toutes les victimes sont frappées par la maladie tandis qu’elles éprouvent un sentiment amoureux. Les facteurs déclenchant sont multiples : qu’il s’agisse d’un baiser, d’un regard échangé, de la lecture d’une demande en mariage ou d’un coup de foudre soudain, personne n’est à l’abri. Un nom est dès lors trouvé pour qualifier cette maladie : l’Amorostasie.
Jour après jour, le phénomène prenant de l’ampleur, un vent de panique commence à souffler sur la population, incitant les parisiens à quitter la capitale, emportant dans leurs bagages cet étrange phénomène. En l’absence de remèdes, les autorités médicales préconisent d’éviter toute manifestation intempestive du sentiment amoureux. La paranoïa aidant, le moindre regard devient l’objet d’interprétation et il est demandé aux femmes « tentatrices » de porter un brassard distinctif.
Attention, « tomber amoureux nuit gravement à la santé ! ».
Dans le même temps, un questionnement s’empare des couples qui échappent aux symptômes : qu’en est-il de la nature de leurs sentiments amoureux ?
Avis :
Très bel album en noir et blanc paru aux éditions Futuropolis, Amorostasia est une fable sur le sentiment amoureux et ses ressorts cachés. Qu’est-ce l’amour, un phénomène chimique, une réaction mécanique ? Qu’est ce qui provoque la naissance du sentiment amoureux, un phénomène électrique, une « alchimie des sens et des humeurs » ? Que se passerait-il si un facteur externe intervenait dans ce phénomène encore peu connu. Que se passerait-il si un test nous permettait de caractériser les sentiments réciproques au sein d’un couple ? Comment réagirions-nous si, confrontés au prisme d’un révélateur externe, nous avions la preuve que notre couple n’est pas fondé sur un sentiment d’attirance partagé l’un envers l’autre ?
Autour de ces interrogations, l’auteur tisse une intrigue intéressante qui lui permet d’aborder de nombreux thèmes : l’application du principe de précaution par rapport à la discrimination, le développement des fantasmes, le rôle des gouvernements et des autorités de référence. Tantôt comique (le masquage des œuvres d’art représentant la tentation amoureuse) tantôt tragique (l’obligation du port d’un brassard distinctif pour les « tentatrices » supposées), cet ouvrage nous interroge sur nos comportements en cas de confrontation à un danger non maîtrisé.
Cet album me fait beaucoup pensé au livre L’aveuglement de l’auteur portugais José Saramago – prix Nobel de littérature en 1998 – qui aborde les conséquences de la cécité progressive et inexpliquée de l’ensemble de l’humanité et des réactions en chaîne provoquées par cette épidémie (ghettoïsation des premières victimes, militarisation progressive de la société, résurgence des comportements primitifs de domination, délitement des modes de gouvernance).
Cyril Bonin est un auteur dont j’aime beaucoup le travail. Dessinateur sur la série Fog (une intrigue policière teintée de surnaturel – 8 albums parus entre 1999 et 2007) en collaboration avec Roger Seiter, c’est son troisième album chez Futuropolis après L’homme qui n’existait pas et La belle image.
Dans cet ouvrage, l’auteur nous entraine sur les pas d’une jeune journaliste prénommée Olga qui va être confrontée aux différents aspects de ce phénomène, ayant « figé » à ses dépens l’un de ses collègues tandis que son couple semble échapper au phénomène.
Truffé de trouvailles et parfaitement illustré, ce roman graphique vous fera passer un bon moment. De plus, j’avoue que j’ai un faible les personnages féminins de Bonin, ces regards, ces silhouettes, ces nuques, me voilé … pétrifié.
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