Dessin : Manu Larcenet
Synopsis
Marco, la trentaine, est un adulescent qui a décidé de quitter Paris pour s’installer à Chazay – dans le département du Rhône – en pleine campagne, à 6 heures de route de la capitale où il se rend encore régulièrement pour voir son psy.
Huit années d’analyse ne lui ont permis ni de comprendre l’origine, ni de maîtriser les crises d’angoisse dont il est régulièrement victime et qui se manifestent par de violentes crises de spasmes qui précèdent souvent un malaise. De guerre lasse, Marco a du apprendre à vivre au quotidien avec cette compagnie encombrante qui lui a jadis provoqué la phobie des autoroutes et qui explique peut-être aujourd’hui l’angoisse qu’il éprouve vis-à-vis de la maladie de son père.
Reporter photographe de profession, Marco a également perdu l’inspiration. Il en a assez de parcourir le monde, de Birmanie en Kabylie pour photographier des victimes de guerre ou des enfants soldats.
Contre toute attente, ce héros ordinaire va faire deux rencontres : tout d’abord la jolie Emilie, vétérinaire, dont il va tomber amoureux, puis un voisin retraité qui va devenir son confident. Cependant, si Marco se satisfait de sa vie au jour le jour, sans engagements ni contraintes, Emilie, elle voudrait construire une relation stable et se projeter dans l’avenir ce qui n’est pas du goût de Marco. Quant au mystérieux voisin, il va s’avérer moins lisse qu’escompté.
Marco a beau fuir sans cesse, il est rattrapé par sa condition humaine. Sans doute le temps est-il venu pour lui de passer à l’âge adulte.
Avis
Le personnage de Marco est l’alter-ego en bandes dessinées de nombreux trentenaires d’aujourd’hui. Maladroit par égoïsme ou par manque de maturité, inquiet par nature, il prend conscience du temps qui passe au moment où il atteint l’âge que ses parents avaient probablement quant il est né. Si Marco a choisi de fuir pour échapper à sa réalité, on ne le blâme pas car le lecteur n ’est pas certain dêtre beaucoup plus courageux.
Avec Marco, Manu Larcenet nous offre un personnage très attachant dont il nous propose de suivre le passage à l ’âge adulte au travers des quatre albums que compte la série. Publié entre 2003 et 2008 (Intégrale parue en 2010) Le combat ordinaire a reçu de nombreux prix et figure régulièrement en tête des classements des blogeurs.
Coloré, naïf le dessin est sensible et fait mouche. L’émotion est là, elle vous saisie au détour d’une planche, d’un dessin, d’un texte ou d’un silence. Manu Larcenet s’affirme non seulement comme un grand dessinateur mais aussi comme un grand auteur.
On retrouve dans Le combat ordinaire des thèmes récurrents chez l’auteur : l’angoisse de la paternité, le départ de la région parisienne, la mort du père, le passage à l’âge adulte et la difficulté du sentiment amoureux.
Il y a de l’amour, de l’humour et de la tendresse mais aussi de l’égoïsme, de la lâcheté. Le personnage de Marco trouve un formidable écho en chacun d’entre nous car il agit comme un miroir de nos propres angoisses de parents ou d ’enfants. C’est probablement l’une des raisons de son formidable succès. C ’est furieusement ancré dans la réalité et tellement intemporel car il n ’y a aucune raison pour nos parents et nos enfants ne soient pas confrontés aux mêmes interrogations.
Il y a aussi, au fur et à mesure de la progression de la série, une dimension sociale et politique dans l’aventure du Combat ordinaire. Un engagement aux cotés des travailleurs. On trouve même une tentative d ’explication de cette émergence du vote frontiste au sein de la population ouvrière et employée qui résonne furieusement comme un écho aux élections présidentielles de 2002 à nos jours. Assez naturellement, après avoir parcouru le monde , l’appareil photo en bandoulière pour photographier la misère et la violence du monde, Marco revient sur les terres de son enfances, auprès des siens, pour s ’engager dans un combat de proximité. Il est parfois nécessaire de partir loin pour mieux comprendre l ’environnement au sein duquel on a grandit. L ’éloignement aide à la compréhension.
Pour toutes ses raisons et pour bien d’autres encore Le combat ordinaire est une série qu’il faut absolument lire car c’est déjà un classique au sens le plus noble du terme : il traite d’une histoire universelle, celle du passage à l’âge adulte.
Vous avez le droit de ne pas aimer, peut-être même de ne pas le finir mais je vous conseille juste d’essayer et comme moi, peut-être que vous prendrez plaisir à la lire et à le relire.
En ce qui me concerne, je le relis chaque année en septembre. Je mesure mon propre chemin à l ’image des traits que l ’on trace sur un mur quand on est petit, juste pour éprouver le plaisir de nous voir grandir.
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