Dessin : Guillaume Singelin
Année : 2014
Synopsis :
Previously in The Grocery : Profitant de l’absence du père d’Elliott qui est toujours injustement incarcéré pour l’agression supposée du Rabbin, la bande d’Ellis One a définitivement installé son Quartier Général dans l’épicerie, et à partir de ce lieu stratégique, elle poursuit son trafic de drogue en toute impunité autour du Corner 16.
De leur côté, pour venger le massacre qui a fait 27 victimes dans leurs rangs, les chefs de la Mara 16 – la bande rivale – ont décidé de faire appel au sanguinaire et mystérieux Y Gang pour venger leur honneur dans le sang.
Ainsi, après avoir fait exploser les ateliers de raffinage de leurs ennemis, le Y Gang a retourné à Ellis One et à ses associés néo-nazis l’ensemble de leurs livreurs-dealers en pièces détachées. Désormais, c’est aux chefs que le Y Gang a décidé de s’attaquer et c’est un camion rempli d’explosifs qui est lancé à pleine vitesse en direction de la Grocery.
Dans cet univers apocalyptique, le candide Elliott est toujours à la recherche de son pote Sixteen sans savoir que celui-ci s’est lié d’amitié avec une Mara 16, avec laquelle il partage le dessein de se venger d’Ellis One.
Welcome back to the Grocery’s corner and enjoy the following…
Avis :
Prenez un shaker, introduisez-y un scénariste de talent (Championzé, Clichés de Bosnie, Young, entre autres) et un dessinateur inventif, secouez bien le tout et vous obtiendrez The Grocery, série décapante publiée sous le Label 619 chez Ankama.
Autant le préciser d’emblée, The Grocery est une série à ne pas mettre entre les mains de nos chères têtes blondes (ou brunes, ou rasées, au choix) dans laquelle les auteurs nous entrainent avec un plaisir non-dissimulé, et communicatif, à Baltimore, dans les quartiers défavorisés, sur le terrain d’affrontement de deux bandes rivales qui règlent leurs comptes à coups de kalachnikovs sans se préoccuper des dégâts collatéraux éventuels.
Ca mitraille en rafale, ça décapite, ça grille au chalumeau et ça se refait la boutonnière à coups de machettes comme on va au supermarché.
Alors pourquoi s’intéresser à cette série qui ressemble de prime abord à une histoire de malfrats agrémentée de scènes apocalyptiques me direz-vous ? Parce que c’est drôle, c’est provocant, c’est intelligent. Au-delà de l’intrigue sur fond de guerre des gangs, les deux auteurs portent un regard incisif sur la société nord-américaine d’aujourd’hui. La place des média, la force du communautarisme, la crise économique provoquée et alimentée par les établissements bancaires, le recours aux organismes privés pour assurer les missions de sécurité publiques sont autant de thèmes qui enrichissent le scénario et donnent de la profondeur à cette histoire. Sur le modèle des séries télé US réussies de cette dernière décennie, au-delà du premier niveau de lecture, perce une réflexion intéressante sur l’évolution de cette société américaine dont les piliers sont ébranlés par les pertes de ses repères.
Deux destins se croisent : tout d’abord celui d’Elliott, un jeune garçon un peu candide, qui a récemment emménagé dans le Corner 16 – son père ayant repris une épicerie de quartier – et qui tente de s’intégrer dans ce nouvel univers dans lequel les enfants de son âge sont capables de reconnaitre la drogue absorbée par un individu à sa démarche ou à son niveau de sudation. De l’autre, il y a Washington, un vétéran d’Irak, tout juste rapatrié, qui se retrouve SDF suite à la saisie par la banque (la Maddof Brother) de la maison de sa grand-mère, victime de la crise des subprimes, et qui se bat pour lui rendre un toit et un peu de dignité.
Coté illustration, le contraste est saisissant entre ces personnages de prime abord sympathiques avec leurs facies de gentils têtards et le déchainement de violence dont ils sont capables. Mention spéciale au tueur à gage d’Ellis one qui exécute ses victimes en récitant des versets de la Bible. Une fois encore l’ombre du grand Quentin n’est pas loin.
Vous l’aurez compris, j’aime beaucoup cette série surprenante, très bien ficelée, très documentée. On a parfois l’impression que les auteurs partent totalement en live avec ces déchainements soudains de violences gratuites ou de scènes surréalistes (l’attaque du commissariat par la bande de néo-nazis, la révolte des détenues dans la prison des femmes,…) mais le tout reste très maîtrisé, très cohérent. Je vous conseille de découvrir les trois premiers tomes dans l’ordre et je souhaite que cette série vous procure également un bon moment de lecture. Vivement la suite.
Leave a Comment