Dessin : David Lloyd
Année : 1989
Synopsis :
Novembre 1997. A la suite d’une guerre nucléaire qui a détruit les Amériques et une grande partie de l’Europe, un régime fasciste s’est instauré en Angleterre, privant la population de son libre arbitre.
Dans ce climat oppressant, Evey, une jeune ouvrière orpheline de 16 ans, s’apprête pour la première fois à essayer de vendre ses charmes. Malheureusement, le premier client potentiel auquel s’adresse la jeune femme s’avère être un policier en civil, membre du Doigt, la toute puissante milice aux prérogatives illimitées, qui œuvre au service de l’Empereur.
Le milicien et ses comparses s’apprêtent à abuser de la jeune femme avant de la tuer quand surgit un personnage masqué, à la force surhumaine et au comportement théâtral, qui s’interpose, avant de sauver la vie de la jeune femme, laissant derrière eux les corps sans vie des miliciens.
Ayant été entraînée dans sa fuite par ce mystérieux individu, la jeune femme assiste, incrédule, depuis les toits de Londres, à l’explosion du Parlement de Westminster, premier acte de défit à l’encontre du pouvoir en place, que le terroriste signe dans le ciel londonien d’un V majuscule.
A compter de cet instant, le destin d’Evey va être lié à celui de son étrange sauveur dans une spirale de souffrance, de violence et de Rédemption.
Avis :
V pour Vendetta raconte la lutte impitoyable et désespérée d’un mystérieux justicier contre un pouvoir totalitaire.
A l’opposé d’une vision manichéenne, Moore nous entraîne dans le sillage d’un personnage énigmatique, à la personnalité complexe, en lutte contre un système totalitaire incarné par des dignitaires aux comportements terriblement humains.
Les motivations du personnage principal ne sont pas uniquement romantiques (libération des peuples opprimés) mais également personnelles.
Tour à tour critique du totalitarisme et du terrorisme (dont les méthodes d’embrigadement sont décortiquées et critiquées) Moore tisse un récit d’une incroyable cohérence et d’une grande richesse narrative.
David Lloyd a de son côté l’idée géniale de doter son personnage principal d’un masque énigmatique dont il ne se sépare jamais et qui est depuis passé à la postérité en étant l’emblème des Anonymous, pirates informatiques très actifs dans la lutte contre les organisations financières internationales.
Dans V pour Vendetta, Moore a su créer un univers carcéral oppressant, désespéré et réaliste et dans il introduit un virus, V.
Les symptômes visibles et sous-jacents de l’état totalitaire sont extrêmement fournis : omniprésence des caméras de surveillance sous couverts de besoin de sécurisation, médicalisation de masse, politique ultra-répressive, avilissement de la population via une culture de masse à pure vocation divertissante, négation de la différence, proximité nauséabonde entre pouvoir totalitaire et religion unique et dominante. Moore et Lloyd nous offrent une vision approfondie d’un univers fasciste.
D’autre part, Moore dissèque au scalpel la lâcheté du genre humain. La frontière est tenue entre une population lâche et soumise et quelques dignitaires convaincus d’œuvrer pour le salut de leur peuple.
Alan Moore est à la Bande Dessinée ce que Stanley Kubrick est au cinéma, un scénariste de génie doublé d’un formidable visionnaire. Il suffit de lister quelques-unes de ses œuvres les plus connues pour prendre conscience de ce qu’il a apporté à la BD : Watchmen (1986), From Hell (2001), la League des Gentlemen Extraordinaires (2003).
Selon l’article qui lui est consacré dans Wikipédia « Moore est célèbre pour être de ceux qui ont rendu les comics plus matures, plus littéraires ».
Cet album a reçu le prix du meilleur album étranger au festival d’Angoulême en 1990.
C’est sombre, violent, visionnaire et captivant. Bonne lecture.
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