Nous ne serons jamais des héros

Nous ne serrons jamais coverScénario : Olivier Jouvray

Dessin : Frédéric Salsedo

Année : 2010

Synopsis :

A 32 ans, Michael  est un adolescent attardé qui alterne les missions d’intérim et qui tue le temps en glandant devant les documentaires des chaînes câblées. Lui-même  se qualifie comme étant en GDI (Galère à Durée Indéterminée).

A la mort de sa grand-mère, il  est sollicité par son père, un homme veuf, entre deux âges, handicapé  à la suite d’un accident de la route, qui a besoin d’un assistant pour l’accompagner dans un voyage autour du monde qu’il souhaite entreprendre grâce à l’héritage perçu.

Charles, le père, est un homme  égoïste, exécrable avec ses deux enfants dont il s’interroge de savoir « (…) comment [il a] pu mettre au monde un raté et une bourgeoise psychorigide ».

Malgré l’avis négatif de sa sœur et bien que Michael soupçonnât son père de vouloir uniquement revisiter les endroits qu’il a fréquenté jadis avec son épouse, il accepte la proposition, n’ayant rien de mieux à faire.

C’est ainsi qu’un beau matin d’automne pluvieux, le père et le fils se retrouvent à Orly pour entamer un périple qui les mènera aux quatre coins du monde, à la recherche d’un monde perdu et qui s’avérera être davantage qu’un simple séjour touristique.

 

Nous ne serrons jamais vignette.jpgAvis :

Nous ne serons jamais des héros est un one-shot paru en 2010 que l’on doit au trio Olivier Jouvray (scénario – auteur par ailleurs de la série Lincoln), Frédéric Saledo  (dessin – auteur de la série Ratafia), et Greg Saledo  (coloriste – illustrateur d’ouvrages pour enfants).

Publié dans la collection Signé, dédiée aux romans graphiques chez l’éditeur Lombart, cet ouvrage de 60 pages nous offre les portraits croisés d’un père et de son fils, en quête d’une compréhension mutuelle, si tant est que celle-ci soit possible.

Cet album aborde, entre autres, les thèmes  du passage à l’âge adulte et de la relation père-fils.

Le jeune personnage de Michael, ado attardé d’une trentaine d’années, adepte du tryptique intérim / fast-food / plans loose, va devoir, malgré lui se décider à arrêter de vivre  sa vie par procuration. Chemin faisant, il va s’interroger sur ses propres aspirations, sur sa propre responsabilité dans sa situation actuelle et finira par se construire de nouveaux projets.

La relation père – fils est un thème très présent dans les albums de la nouvelle génération d’auteurs de BD. On songe au Combat ordinaire de Manu Larcenet, à Day Tripper du duo brésilien Moon et Ba ou encore à Portugal de Cyril Pedrosa.

Nous ne serons jamais des héros plancheDans cet ouvrage, elle est abordée au travers du prisme de l’incompréhension entre deux générations qui sont peut-être plus éloignées que ne l’étaient leurs devancières. D’un côté, une génération qui a fait mai 68 avant de se choisir comme valeur ultime l’argent, de l’autre une génération désabusée qui n’a pas encore trouvé son combat et qui tente de se faire une place dans le modèle légué par ses parents. Le père reproche à son fils son manque de curiosité, d’enthousiasme ou de projets tandis que ce dernier lui reproche son absence et son renoncement

Le personnage de Charles, bien que d’aspect profondément antipathique m’a beaucoup plu.

C’est un être désabusé, aigri, qui souffre dans sa chair depuis l’accident de la route dont il a été victime et qui lui a ôté sa femme et une grande partie de sa mobilité physique.

Semblable au personnage de Marcel dans Le sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari  (éditions Acte Sud / 2012), Charles ne s’est jamais remis de la destruction de son univers et de la perte de l’être aimé et il reporte sur ses proches sa rancœur et son animosité.

Même si on perçoit vite que pour Charles, il pourrait s’agir d’un dernier baroud d’honneur face à la souffrance physique et moral, les deux hommes vont apprendre à s’apprivoiser peu à peu au fur et à mesure de leur périple et de leurs rencontres.

Ouvrage tantôt humoristique, tantôt tragique, Nous ne serons jamais des héros  est un récit sensible, poétique sur le deuil et sur l’achèvement d’un monde.

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