Une sélection du meilleur de la Bande Dessinée des années 2010 – 1ère partie

Tandis que s’achève la décennie 2010, retour sur une sélection d’albums marquants de ces dix dernières années. Romans graphiques, thrillers, albums humoristiques, science-fiction ou récits de genre, nombre de ces albums ont été plébiscités par les lecteurs. J’ai glissé toutefois quelques albums plus confidentiels qui se sont imposés comme des évidences quand il s’est agi de faire un tri dans les nombreuses publications de qualité. Tantôt parce qu’elles sont la promesse de nouveaux talents qui marqueront les prochaines années, tantôt parce qu’ils m’ont touchés par leur esthétisme, par la qualité de leur scénario, ou tout simplement parce qu’ils ont fait rencontrer en moi un inexplicable écho qui a fait que ces œuvres m’ont touchées. Il manque forcément de nombreux titres, peut-être même que les œuvres qui figurent dans votre panthéon personnel sont absentes. Chaque choix implique des arbitrages et ce n’est qu’une sélection subjective. Première partie avec les albums que j’ai retenus entre la 50ème et la 41ème place.

Little Tulip – François Boucq et Jérôme Charyn – Le Lombard – 2014

14 ans après Bouche du Diable, le duo Boucq / Charyn se reformait pour nous offrir un nouveau récit cruel et passionnant. L’album narre le destin peu commun d’un jeune garçon de sept ans, séparé de ses parents tandis qu’ils sont emprisonnés au goulag, et qui va survivre grâce à ses talents de dessinateur. Renouant avec l’univers de Bouche du Diable, Boucq et Charyn nous offrent un album de chair et de sang, dont la couverture reste comme l’une des plus réussie de cette décennie. Outre Little Tulip, Boucq nous aura de nouveau gâté ces dernières années, que ce soit avec Bouncer ou avec les aventures de l’éternel Jérôme Moucherot.

Dans la combi de Thomas Pesquet – Marion Montaigne – Dargaud – 2017

Avec sa série Tu mourras moins bête [mais tu mourras quand même] (5 tomes entre 2011 et 2019) Marion Montaigne s’est inscrit durablement dans le paysage de la Bande Dessinée. Mais c’est avec son biopic (sic) sur Thomas Pesquet que l’auteure rencontre le (très) grand public et devient incontournable. Le cocktail détonnant de son humour ravageur et de la personnalité de l’astronaute-star français font de cet album un formidable succès commercial amplement mérité. Drôle, instructif et vachard, un must.

Mon ami Dahmer – Derf Backderf – çà et là – 2013

En 2013, Derf Backderf surgit dans le paysage de la BD européenne avec ce récit troublant de sa rencontre avec Jeffrey Dahmer qui deviendra l’un des pires serial killers de l’histoire contemporaine américaine. Camarade de collège puis de Lycée, Derf Backderf se penche avec recul sur le parcours de ce jeune homme solitaire tandis que ce dernier bascule dans le sordide et la violence. Sans complaisance mais sans jugement, l’auteur narre au travers de ses personnages le désœuvrement d’une certaine jeunesse américaine. L’occasion de saluer le très bon travail de la jeune maison d’édition çà et là qui trace sa route avec talent dans un paysage éditorial saturé.

Peau de mille bêtes – Stéphane Fert – Delcourt – 2019

Deux albums ont suffit à Stéphane Fert pour se faire une place sur les rayons des amateurs de BD. Après Morgane, publié en 2016 (sur un scénario de Simon Kansara), Peau de mille bêtes a confirmé tout le bien que l’on peut penser de ce jeune auteur. Spécialiste des contes, Stéphane Fert met en scène des personnages de femmes fortes dans un univers féerique. Sorcières, princesses, chevaliers et monstres se croisent dans ses récits qui recèlent plusieurs niveaux de lecture. Tantôt humoristique, tantôt grave, son ton est souvent juste et son univers graphique est flamboyant. Une très belle découverte accentuée par une collaboration avec Wilfrid Lupano en 2018.

Ailefroide Altitude 3954 – Jean-Marc Rochette & Olivier Bocquet – Casterman – 2018

Une histoire d’hommes, une histoire de montagne. Avec ce récit initiatique au goût auto-biographique, Jean-Marc Rochette opère un come-back fracassant à la fin des années 2010. Celui que le grand public associait essentiellement, et injustement, à la saga Transperceneige, touche le grand public avec un album célébrant sa passion pour la montagne et la solidarité entre les hommes. L’un des grands succès de l’année 2018, confirmé par le superbe Le Loup en 2019. Un magnifique album récompensé par le prix Quai des Bulles en 2018.

Le rapport de Brodeck – Manu Larcenet – Dargaud – 2015

En adaptant le roman éponyme de Philippe Claudel, Manu Larcenet fait une fois de plus la preuve de son immense talent. Il magnifie un récit grandiose. Très peu d’adaptation m’ont marqué à ce point alors que le genre est en augmentation. C’est bouleversant, dur, mais tellement épuré que seul le silence de cette contrée forestière hostile peut faire écho aux sentiments que cet album a fait résonner en moi. Publié en deux tomes (2015 et 2016) ce Rapport de Brodeck est un incontournable de cette décennie. Manu Larcenet a élevé le sublime en habitude. Prix Landerneau 2015.

Saga – Brian Vaughan et Fiona Staples – Urban Comics – Depuis 2013

Une planète ravagée par la guerre, des parents rejetés par leurs clans respectifs que tout oppose, drôle de contexte pour une naissance. Mais voila, la petite Hazel incarne l’espoir et il n’en faut pas plus que les autorités des différents camps lancent leurs tueurs sur les traces du couple maudit. Transposition d’un thème classique dans un univers fantastique, cette Saga fait preuve d’une créativité débordante qui a promulgué cette intrigue au rang de série star depuis presque une décennie. Un Roméo et Juliette spacio-temporel qui s’avère d’une richesse débordante. Un des très grands succès de la décennie multi-récompensé aux Eisner Awards depuis 2013.

L’enfant et le Maudit – Nagabe – Komikku – Depuis 2017

Un Conte gothique et intimiste qui constitua l’une des belles surprises de 2017. Deux personnages, que tout éloigne,  vivent en autarcie dans une forêt sombre, s’appliquant à rester soigneusement éloignés du reste du monde. Un être à tête de diable, portant beau et semblant immortel, veille pour une raison obscure sur une petite fille. A partir de cette idée, Nagabé tisse un récit hors du temps. Seule subsiste cette menace sourde qui pèse sur la jeune fille et le dévouement de ce personnage si étrange. Un conte qui fera frémir les grands et les petits doublé d’un esthétisme ciselé. A découvrir vite.

Petites coupures à Shioguni – Florent Chavouet – Editions Philippe Picquier – 2014

Toute la virtuosité de Florent Chavouet s’exprime dans Petites coupures à Shioguni. Des cadrages bluffants, un récit non linéaire, des illustrations si belles qu’on a l’impression de pouvoir ressentir la texture des objets représentés. Situé une nouvelle fois au Japon, cet album se démarque de ses précédents récits semi-autobiographiques, par le recours au roman noir. Des yakusas s’en prennent au cuisinier d’une gargote pour une raison qui ne se dévoile qu’au fur et à mesure du récit. Un petit trésor de lecture. Trois ans avant l’ïle Louvres, un très bon petit polar.

Les vieux fourneaux – Wilfrid Lupano et Paul Cauuet – Dargaud – Depuis 2014

Beaucoup de choses ont déjà été écrites sur les Vieux fourneaux, un des grands succès de cette décennie. Cinq albums déjà que nous suivons les péripéties de ces anciens à la sauce rock’n roll, sorte de gilets jaunes avant l’heure. Le talent de Wilfrid Lupano pour saisir les petits irritants qui rencontrent un écho en chacun de nous couplé à un dessin efficace ont contribué à faire de cette série un grand succès de librairie couplé de récompenses. Pas nécessairement le meilleur de Lupano mais toujours un bon moment de lecture. Aujourd’hui, Astérix, le gaulois symbole de la société française, est un révolutionnaire à la retraite. Un enseignement à méditer.

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