René Hausman, dessinateur de la nature

A l’occasion de la sortie de l’album La bête de Frank Pé et Zidrou, redécouvrons un auteur animalier inspirant.

Autoportrait en ogre – Hausman

René Hausman (1936-2016) fut pendant de nombreuses années l’un des piliers du journal Spirou et des éditions Dupuis. A travers ses œuvres multiples, on peut redécouvrir un certain âge d’or de la BD, de Spirou aux belles heures de Fluide Glacial.

Mais qui est-il vraiment ? Tour à tour dessinateur de BD, illustrateur, et ces dernières années plus spécifiquement un enchanteur grâce aux contes que lui concoctaient Dubois ou Yann.

Les origines d’une oeuvre – La rencontre avec Raymond Macherot

Né à Verviers dans les Ardennes belges, juste à la frontière allemande, Hausman a toujours aimé les animaux, la nature présente autour de lui et les histoires et légendes racontées par sa grand-mère Philomène qui ont éveillé son imagination et sa curiosité.

En découvrant les illustrations de Benjamin Rabier, ou les histoires de Calvo dans l’hebdomadaire Bravo, il a voulu lui aussi raconter à sa manière tout cela.

Son professeur de dessin Maréchal, père de Maurice Maréchal qui sera le créateur de Prudence Petitpas, l’oriente vers Raymond Macherot dessinateur demeurant également à Verviers. Ce dernier, de 12 ans son aîné, est en train de réaliser sa vraie première bande dessinée, Chlorophylle contre les rats noirs, ce qui incite Hausman à se lancer à son tour dans un style de dessin plus humoristique.

Le service militaire l’appelle alors, mais cela ne l’empêchera pas de publier dans Le Moustique, magazine des éditions Dupuis. Dès le service terminé, il va présenter ses dessins chez Spirou. C’est là que Charles Dupuis et le rédacteur en chef mythique de l’époque, Yvan Delporte, l’accueillent et sur des scénarios de ce dernier, il réinvente la préhistoire avec le petit homme Saki, vite rejoint par une compagne, Zunie. Ceux-ci vivront de nombreuses aventures, dont un album dans la jolie Collection du Carrousel, mais elles furent entrecoupées dans le temps.

Zaki et Zuni dans Spirou magazine – René Hausman

En effet, lors d’une réunion de préparation du numéro spécial printemps 1958 de Spirou, Hausman va parler du renouveau de la nature, des naissances des animaux à cette saison… Delporte, débordant d’idées et toujours en recherche de nouveautés, va rebondir en lui proposant de réaliser des illustrations représentant tout cela pour un supplément inséré dans le magazine. Ce dépliant fut imprimé avec de l’encre odorante censée reproduire le parfum du muguet, pas totalement réussi à priori, mais cela sentait tout de même bon !

Le bestiaire animal – un goût prononcé pour l’illustration

A partir de ce moment Hausman va réaliser de nombreuses illustrations, l’éloignant quelque peu de la bande dessinée. Et sa production fut, le moins que l’on puisse dire, pléthorique. En effet, il va illustrer, quasiment chaque semaine, quatre pages détachables situées au centre du journal Spirou. Ces planches, plutôt pédagogiques présentaient différents animaux, créant ainsi un bestiaire de plus 500 illustrations jamais reprises en album.

Une image du bestiaire dans Spirou magazine – René Hausman

Il va plutôt remanier ses créations pour en faire des livres particuliers d’illustrations. Maurice Rosy qui fait alors office de directeur artistique chez Dupuis va lancer avec lui la collection de livres illustrés : Terre Entière. Cette collection, qui comprendra – outre ceux d’Hausman – des ouvrages splendides de Follet ou Beuville, sera l’occasion de présenter de nouveaux animaux, de belles illustrations reproduites sur un papier de qualité et dans un format plus grand que le magazine Spirou. Cela sera tour à tour  La Forêt secrète , Le Bestiaire insolite

Dans le même temps on lui demande d’illustrer de grands textes de la littérature européenne. Cela commencera avec Les Fables de La Fontaine qui seront éditées en deux volumes et l’on remarquera entre les deux, l’évolution de sa technique de dessin. Puis viendront Le Roman de Renart et Les Contes de Perrault.

Dans une collection moins sophistiquée, La Comédie animale – mais toujours avec des dessins riches en détails – il va continuer d’illustrer la nature, la forêt principalement et ses habitants dont les rongeurs qu’il apprécie particulièrement.

Illustration pour les Resquilleurs – Collection Comédie Animale – Hausman

Bref, énormément de dessins, d’illustrations et un peu moins de bandes dessinées. Hausman trouvera même le temps de faire partie alors d’un groupe de musiciens (un album 33 tours paru): Les Pêleute

Fin des années 70, l’aventure du Trombone Illustré

En 1977 Franquin et Delporte trouvant le journal Spirou bien triste, lancent l’idée d’un journal au sein du journal, ce sera le cultissimme Trombone Illustré réunissant la fine fleur de la BD de l’époque dont Tardi, Mézières, Bilal, Dany… et des petits nouveaux comme Jannin. Hausman sera des 30 numéros, et il y redonnera vie à une Zunie bien plus gironde.

Zunie dans le Trombone Illustré – Hausman

Il faut ajouter qu’au même moment Gotlib et Alexis venus chercher en Belgique des auteurs pour leur tout nouveau journal Fluide Glacial, se trouvent embarqués aussi dans l’aventure du Trombone. La proximité des deux rédactions permettra à Hausman d’aller plus loin dans ses illustrations animalières et de réaliser, avec différents scénaristes, toutes une série de gentilles histoires en bande dessinée, le plus souvent coquines, qui seront publiées dans Fluide Glacial. Elles feront l’objet, complétées de quelques autres, scénarisées par Yann, d’un album Dupuis, Allez coucher, sales bêtes!, bien loin des critères habituels des séries de cet éditeur.

Planche gag d’Allez coucher sales bêtes! – sur un scénario de Gotlib – Hausman

Il s’attaque en parallèle à une nouvelle collection Le Grand Bestiaire Dupuis. Encore des animaux mais ici présentés par continents. Or, à cette époque la maison d’édition va être rachetée et la nouvelle direction décide de se recentrer sur la BD, et d’abandonner la publication de tous ces beaux ouvrages. Seuls deux tomes auront été édités dans cette dernière collection.

Avec le recul Hausman ne le regrette pas car il vient de rencontrer un ami en la personne de Pierre Dubois, spécialiste des contes, elficologue, avec lequel il va animer dans Spirou une rubrique originale: Le grand fabulaire du petit peuple.

Une page du Grand Fabulaire du petit peuple – Hausman

Là encore, toutes ces rubriques, plus d’une quarantaine, ne seront pas compilées en album. Elles donneront en revanche naissance, d’une certaine manière, à L’Elféméride, édité par Hoëbeke sous la forme de deux magnifiques livres et complétés dans une intégrale par des dessins de Xavier Hussön, qui ouvre grand les portes de l’imaginaire à travers les saisons.

Layina – Hausmann

Avec Pierre Dubois il se lance aussi, fin 1987, dans la création d’une nouvelle héroïne de bandes dessinées, Laïyna, que l’on retrouvera en album dans la, toute jeune alors, collection Aire Libre.

Retour à la BD

Et là, il ne va plus trop lâcher la BD, publiant entres autres avec Yann des contes biens grinçants, Les Trois cheveux blancs, Le Prince des écureuils. Puis ses propres histoires Les chasseurs de l’aube, Camp-volant…  

Une page du Prince des écureuils – Scénario Yann – Hausman

Au Lombard, toujours avec Dubois il adaptera en BD le roman Capitaine Trèfle qu’il avait déjà illustré auparavant.
Il rendra aussi un dernier hommage à son ami Macherot, en reprenant le personnage de Chlorophylle en 2016, sur un scénario de Cornette, dans une version plutôt réaliste, et pour un unique album. Le dernier publié de son vivant.

Chlorophylle revu par Hausman

Un dernier récit, inachevé, La Mémoires des pierres, scénarisé par son épouse, Nathalie Troquette, est publié sous forme de story board, avec les huit premières planches finalisées, dans une belle édition posthume, permettant de jeter un œil sur sa façon de travailler.

Extrait des premières pages de La mémoire des pierres – Hausman

Quels que soient les scénaristes, il émane de toutes ses créations, très proches du fantastique, une sorte de poésie noire qui parcours toute son œuvre.
Son descendant le plus direct est Frank Pé. Celui-ci avait transformé Hausman en personnage de bandes dessinées, devenant l’oncle bon vivant, ce qu’il était réellement, de Broussaille.

Hausman en oncle de Broussaille – Franck Pé

Dernièrement pour créer La Bête, il s’est inspiré du Marsupilami réaliste qu’avait imaginé Hausman il y a quelques années.

Le Marsupilami revu par Hausman

Alors, qu’il soit dessinateur de bandes dessinées, illustrateur, poète, botaniste, musicien, peintre ou même sculpteur quelque fois, Hausman est avant tout un authentique artiste.

Replongez vous dans tous ses ouvrages, dont une bonne partie est abordée ici, pour en découvrir les multiples saveurs… et y respirez l’air de la nature.

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