Le duo Alexandre Clerisse (dessin) / thierry Smolderen (scénario) est de retour. Deux ans après l’été Diabolik, les auteurs nous plongent cette fois-ci dans les années 80, aux cotés d’une bande d’adolescents adeptes de jeux de rôles. Un thriller fantastique et esthétique.
Synopsis
1984 – Samuel Le Fanu est élève dans le lycée d’une petite ville du sud-ouest. Son quotidien n’est pas des plus simples, coincé entre une mère absente pour cause de séparation, et un père alcoolique. L’adolescent n‘est pas à proprement parler un élève modèle. Son truc à lui, ce sont les jeux de rôles qu’il organise avec sa bande de copains, parmi lesquels figurent Hervé, un jeune garçon accroc aux jeux vidéos d’Arcade et Marie, une adolescente au passé douloureux.
A l’automne, tandis que la rentrée scolaire oblige les adolescents à retourner sur les bancs du lycée, l’arrivée d’une nouvelle étudiante va bouleverser l’équilibre instable de la petite communauté des lycéens. D’emblée, Mélusine fascine les garçons. Sollicitée par un professeur pour parler du Moyen-Orient, elle subjugue les adolescents par un récit où il est question de fouilles archéologiques, d’antique cité sumérienne et de talisman oublié, s’attirant par la même occasion l’inimitié d’Oriane, la fille la plus populaire du Lycée. Peu à peu, Samuel fait plus ample connaissance avec Melusine qui semble avoir de nombreux secrets à protéger.
Au même moment, le jeune homme apprend que l’un de ses anciens camarade est de retour au village après un séjour aux Etats-Unis. Dani est un garçon extrêmement brillant, d’origine indienne, dont Samuel était très proche avant que le jeune homme ne coupe les ponts de manière brutale et inexpliquée. Désormais, Dani est fasciné par un nouvel outil, l’ordinateur, et il travaille à se créer un avatar électronique. Les deux jeunes garçons éprouvent du plaisir à se revoir, retrouvant leur complicité d’autrefois. Toutefois, lorsque Samuel finit par l’interroger sur l’origine de leur brouille, Dani refuse de répondre, évoquant un passé oublié.
Peu de jours après, Samuel décide de convier ses différents amis à un jeu de rôles afin de leur permettre de se rencontrer. Tandis, que Dani et sa sœur viennent au rendez-vous, Mélusine est absente. Cette dernière, trompée par Oriane, pensait les retrouver à une fête. Comprenant sa méprise, Mélusine parvient à les joindre par téléphone et leur indique qu’elle prend la route pour les rejoindre.
Toutefois, tard dans la nuit, ils font le constat de son absence et au petit matin, ils apprennent qu’un véhicule a eu un accident sur la route menant au village. Dès lors, une succession événements tragiques va bouleverser leur existence.
Avis
Troisième collaboration entre les deux auteurs, Une année sans Cthulhu, nous entraîne dans une intrigue policière teintée de fantastique, ayant pour cadre un univers d’adolescents où la frontière est ténue entre le monde réel et l’univers fantasmagorique.
A l’origine, et selon ses propres termes, Thierry Smolderen (scénariste) souhaitait présenter une histoire ayant pour trame de fond les années 80, dans lequel des adolescents joueraient aux jeux de rôles aux côtés d’une jeune femme plongée dans un profond coma.
A partir de cette trame initiale, et inspiré par l’univers de Lovecraft, le scénariste tisse un récit complexe qui rend hommage aux récits de genre, aux mythes de la folie et à l’affrontement éternel entre le Bien et le Mal.
C’est également, un récit du passage de l’adolescence à l’âge adulte. Dans le cas présent, la succession événements tragiques fait office de catalyseur pour accélérer cette mutation naturelle. De fait, et sans même faire référence aux phénomènes fantastiques, il faut reconnaître que peu de choses sont épargnés aux personnages principaux: tentative de suicide, accidents tragiques, massacre, dérives sectaires. Le tout nous livre un scénario complexe, mêlant les fausses pistes et les chausse-trappes, qu’il ne faut pas hésiter à lire plusieurs fois pour en prendre la pleine mesure.
Outre la qualité du récit, il est extrêmement plaisant de retrouver le dessin d’Alexandre Clerisse. Dans cet album, la palette chromatique volontairement psychédélique de l’Eté Diabolik a cédé la place à une gamme plus sombre. En parallèle, le dessin est nettement plus géométrique, moins aérien et arrondi. Les perspectives sont plus droites et la référence au graphisme des premiers jeux d’arcade est très plaisante.
Après avoir exploré les décennies 60 et 50, les auteurs nous plongent donc dans l’univers des années 80. Attention, inutile de chercher un quelconque plagiat de l’ambiance de la série « Stranger Things » qui joue sur notre nostalgie de la décennie 80. Ici, rien n’est magnifié, c’est même plutôt le contraire avec la description d’un univers un peu glauque. Bien sûr, les deux œuvres font référence à Tron, mais peut-il en être autrement.
Au final, les auteurs nous offrent une nouvelle fois un album extrêmement plaisant. Ne boudez pas votre plaisir et profitez-en pour découvrir les albums précédents.
Scénario: Thierry Smolderen
Dessin: Alexandre Clerisse
Année: 2019
Éditeur: Dargaud
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