Une sélection du meilleur de la Bande Dessinée des années 2010 – 3ème partie

Troisième partie avec les albums que j’ai retenus entre la 30ème et la 21ème place. Où les auteurs indépendants US (Adrian Tomine, Emil Ferris) côtoient les jeunes pousses françaises (Jérémie Moreau, Jérôme Dubois) et les auteurs reconnus (Fabcaro, Ralph Meyer).

Les intrus – Adrian Tomine – Cornelius – 2015

En 2015, Adrian Tomine nous livre le dernier album en date de sa production. Les Intrus rassemble six récits courts qui abordent les thèmes de la famille, de la perte d’identité et de la création. A l’image d’un Raymond Carver, les récits d’Adrian Tomine sont volontairement minimalistes, privilégiant le souci du détail et la peinture de caractères plutôt que les envolées scénaristiques. Illustrateur pour Le New Yorker ou pour la revue Esquire, Adrian Tomine est devenu l’un des leaders de la BD indépendante américaine.

Undertaker – Ralph Meyer et Xavier Dorison – Dargaud – Depuis 2015

Avec cinq albums en cinq ans, Ralph Meyer et Xavier Dorison ont contribué au renouveau du western pendant cette décennie. Avec leur personnage de croque mort aventurier, les deux auteurs ont créé un personnage atypique et attachant qui rencontre un énorme succès. Des scénarios solides et un dessin léché servent à merveille cette série. Avec Jonas Crow les deux compères nous offre un personnage d’apparence cynique et froide, insensible au sort de ses contemporains. Toutefois dès le premier album, l’intrigue laissait entrevoir un personnage aux ressorts complexes et à la sensibilité à fleur de peau. Avec la série Bouncer de François Boucq, Undertaker incarne le nouveau western.

Max Winson – Jérémie Moreau – Delcourt – 2014

Difficile de passer sous silence Jérémie Moreau pendant cette décennie. En l’espace de six albums, le jeune dessinateur s’est imposé comme un auteur incontournable. Une première collaboration avec Wilfrid Lupano en 2012 (Le singe de Hartlepool) récompensée par le prix des libraires de BD, complété d’un Fauve d’or à Angoulême pour La saga de Grimr en 2018, ont contribué à enrichir le palmarès déjà bien garni de Jérémie Moreau. Dans Max Winson, histoire en deux tomes parue en 2014, l’auteur fait le récit d’une jeune star du tennis qui n’a pas perdu un match de sa vie. Enfance volée, père tyrannique, le succès a fait de cet enfant un être adulé qui ne connait que l’univers de son sport. Quand enfin il parvient à s’affranchir de ce carcan, le jeune garçon va devoir apprendre à faire des choix par lui-même et à composer avec sa notoriété. Intéressante réflexion autour de la société du spectacle et du sport business. Une petite pépite pour aller plus loin dans l’oeuvre de cet auteur talentueux.

Moi ce que j’aime, c’est les monstres – Emil Ferris – Monsieur Toussaint Louverture – 2018

Bouleversant destin que celui d’Emil Ferris. Victime d’une méningo-encéphalite à la suite d’une piqûre de moustique, Emil Ferris se voit annoncer au seuil de la quarantaine qu’elle va rester paralysée pour la fin de ses jours. Poussée par sa fille, la jeune femme s’accroche aux séances de rééducation. A l’aide d’un crayon scotchée à la main, elle reprend l’illustration pour produire un formidable ouvrage de plus de quatre cent pages. Récit d’une jeune adolescente vivant à Chicago à la fin des années soixante, Moi ce que j’aime c’est les monstres parle de l’acceptation de la différence, de la défense des minorités et du passage à l’âge adulte. Un album multi-récompensé en 2018 et 2019 (Grand Prix ACBD, Fauve d’Or à Angoulême) avec raison.

Tes yeux ont vu – Jérôme Dubois – Cornélius – 2017

Une étrange créature s’éveille dans une cave. Peu à peu, elle prend conscience de son corps, puis elle retire les bandelettes qui l’entourent et découvre son aspect physique. Peu à peu Emet va faire l’apprentissage de la vie, de la liberté et de la dépendance. Son créateur, le professeur Loew, une jeune femme professeure de médecine, veille sur elle, sur sa santé et sur son apprentissage. Variation moderne du mythe du Golem, auquel le texte fait explicitement référence, l’album nous confronte aux thèmes de la dépendance, de la solitude et du libre-arbitre. Loin des clichés éculés du manichéisme et de la repentance, l’album explore avec justesse et sensibilité la relation entre la créature et son créateur. Un jeune auteur à suivre.

Zai Zai Zai Zai – Fabcaro – 6 pieds sous terre – Cornélius – 2015

Alors qu’il fait ses courses au supermarché, un auteur de bande dessinée réalise avec horreur qu’il n’a pas sa carte de fidélité sur lui (un bête problème de pantalon). Alerté par la caissière, un vigile survient et quand celui-ci arrive, l’auteur perd son sang-froid et le menace au moyen d’un poireau. Finalement, l’auteur parvient à prendre la fuite mais il se retrouve au centre d’une chasse à l’homme physique et médiatique. En 2015, Fabcaro accède à la notoriété avec cette album totalement délirant. Prix Landerneau 2015, Grand Prix ACBD et prix des libraires de BD en 2016, ce titre a permis à Fabcaro de se faire davantage connaître du grand public. Le style Fabcaro repose sur une sérieuse dose d’humour décalé, d’auto-dérision et une grande générosité avec ses lecteurs.

Il faut flinguer Ramirez – Nicolas Petrimaux – Glénat – 2018

1987 – Arizona. Jacques Ramirez travaille à la Robotop, une entreprise d’électroménager qui fait figure de fleuron industriel de la région. Employé modèle, il est à la fois très efficace et très discret. Et pour cause, Ramirez est muet. Son quotidien bascule le jour où deux membres d’un cartel de la drogue croient reconnaître en lui l’ennemi juré de leur organisation. Sous l’identité d’un anonyme vendeur d’aspirateur se cacherait donc Ramirez, la rolls des assassins. Décapant, hilarant avec ses fausses couvertures de journeaux et sa campagne de publicité pour le nouveau Vaccumizer 2000, le premier tome de Ramirez rend hommage aux années 80 et casse la baraque en 2018. Course poursuite en voitures dignes de Bullit, coupes affro et employés de cartel déjantés, une grosse bouffée d’air frais. A la frontière entre la BD classique et le film d’animation, Il faut flinguer Ramirez multiplie les clins d’œil aux films d’action de la fin des années 80. A lire impérativement avant la sortie du second tome (en 2020?).

Les ignorants – Etienne Davodeau – Futuropolis – 2011

Pendant un an, un vigneron et un auteur de bandes dessinées découvrent leurs métiers respectifs. Regards croisés de deux passionnés sur leurs arts, sur le goût du travail bien fait et sur la notion de partage. Richard Leroy est vigneron dans la région angevine et Etienne Davodeau un auteur de BD reconnu, récompensé par le Fauve d’Or à Angoulême en 2005. Les deux hommes décident de s’initier à leurs domaines de prédilection respectifs. Etienne va suivre le travail de la vigne pendant 12 mois tandis que Richard va être invité dans l’atelier d’Etienne où sur les salons. Un regard tendre et franc sur deux mondes que tout sépare de prime abord. Cependant, le goût du travail bien fait, l’appétence pour le beau geste vont rapprocher les deux hommes. Une nouvelle fois, un récit instructif à hauteur d’homme.

Daytripper – Fabio Moon et Gabriel Bà – Urban Comics – 2012

Un jeune écrivain fait ses gammes en rédigeant des chroniques nécrologiques dans un grand quotidien brésilien. Pour échapper à la routine sordide de son travail, il se laisse aller à la rêverie et fantasme sa propre vie qui s’achève à différents moments de son existence. Signé par le duo brésilien Fábio Moon et Gabriel Bá, Daytripper narre des morceaux de vie, des bonheurs simples et de petits accidents tragiques. Avec simplicité et une certaine bienveillance malgré le propos tragique du thème évoqué, ils évitent les écueils de la dramatisation. Un très bel ouvrage qui fit connaitre ce duo d’auteurs dont le travail n’est pas sans rappeler celui de Craig Thompson dont ils sont proches. Deux autres albums notables parus pendant cette décennie : Deux Frères (2015) et Détails d’une vie brésilienne (2016). Un ouvrage touchant.

Planetary – Ellis Warren et John Cassaday – Urban Comics – 2016

La série Planetary se présente sous forme d’une succession de récits courts qui peuvent se lire de manière indépendante mais dont la trame principale prend tout son sens si on respecte le fil chronologique de la publication.
Une série gigogne qui aborde un large éventail de ce que la science-fiction peut produire de thématiques diverses depuis le fantastique jusqu’à l’horreur, en passant par la Dystopie ou l’Uchronie. Publiée en l’espace d’une décennie aux US entre 1998 et 2009, l’intégrale parue chez Urban Comics regroupe en deux tomes volumineux la totalité des récits. Avec Saga, l’une des meilleures séries de SF de cette décennie. A découvrir d’urgence si vous aimez les légendes urbaines et les histoires fantastiques

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