Essence

A partir d’une trame originale – un ange gardien novice est chargé d’aider un homme récemment trépassé à élucider les conditions et les raisons de son décès – Fred Bernard et Benjamin Flao nous proposent l’un des plus beaux récits graphiques de ce début d’année 2018.

Synopsis

Un homme traverse un hall sombre et décrépi avant de surgir dans la lumière du matin. Il porte un jerrycan d’essence dont il verse les quelques gouttes dans le réservoir de son véhicule. Dans la blancheur éclatante de ce paysage désertique, une femme l’attend à côté d’une muscle-car. Elle semble détachée, ne s’étonnant ni du lieu ni de l’incongruité de la situation. L’homme ne parait pas la connaître tandis qu’elle, semble tout savoir de lui.

Bientôt, tandis que le véhicule roule dans un univers désolé, la jeune femme l’encourage à se souvenir. Se souvenir de la raison de sa présence en ces lieux, des raisons pour lesquelles il est en perpétuelle quête d’essence. Bientôt la nuit tombe et les deux voyageurs arrivent en ville. Tandis que la jeune femme s’installe dans un hôtel, Achille, l’homme, se met en quête de nouveau carburant.

Délaissant sa recherche initiale, il pénètre dans une librairie et en ressort satisfait avec une bande dessinée. Alors qu’il rejoint à son tour l’hôtel, une étrange hôtesse le conduit dans une chambre qui n’est autre que sa chambre d’enfant. Achille ne s’inquiète pas mais il a tort car il ne le sait pas … mais il est mort.

Avis

A partir d’une trame originale – un ange gardien novice est chargé d’aider un homme récemment trépassé à élucider les conditions et les raisons de son décès pour l’aider à quitter le purgatoire – Fred Bernard (scénario) et Benjamin Flao (Dessin) nous proposent l’un des plus beaux récits graphiques de ce début d’année 2018.

Tout au long de cette intrigue baignée d’onirisme, nous accompagnons Achille, un homme naïf, dans sa quête de vérité. Alternant road-movie humoristique et situations cauchemardesques, cette histoire est aussi une ode à la voiture, aux bolides de tous âges et de toutes formes, dont on sent que Benjamin Flao a pris un plaisir évident à les dessiner.Cet album explore un univers dont – par essence – nous ignorons tout, à savoir, le purgatoire. Selon le dictionnaire Larousse le purgatoire est un « (…) lieu, état de purification temporaire pour les défunts morts en état de grâce mais qui n’ont pas encore atteint la perfection qu’exige la vision béatifique (…) » mais c’est également généralement décrit comme un état provisoire dans lequel on souffre.

Dans le cas présent, côté pile, Fred Bernard et Benjamin Flao en ont fait un paradis pour pilote automobile. Achille peut à satiété changer de véhicule et d’environnement pour assouvir tous ses fantasmes automobiles : Lancia Aurelia, Spider, muscle-car en tous genres se succèdent à un rythme effréné dès lors que le défunt s’imagine au volant de ces automobiles de légende. Notre personnage prendra ainsi le volant de pas moins de quinze véhicules différents, dont certains modèles semblent tout droit sortis du garage de Franquin.

Côté face, dès qu’il s’éloigne de son ange gardien, Achille se retrouve confronté à des situations cauchemardesques dont il ne parvient à s’extirper que par miracle. Qu’il s’agisse de rencontres avec des miliciens d’extrême-droite, ou de séquences au cours desquelles lui sont projetées les images de sa famille assistant à son enterrement, notre protagoniste entrevoit un enfer dantesque dès qu’il abandonne la compagnie apaisante de son ange gardien.

L’intrigue policière est à la fois écologique et matinée d’espionnage industriel. Avec l’aide de son guide, Achille parvient peu à peu à démêler l’écheveau des événements qui ont entrainé sa mort violente. Il est question d’une amitié bouleversée par l’intrusion d’une ravissante inconnue, d’une invention révolutionnaire et d’un double jeu qui finira forcément mal.

Je pourrais vous citer les multiples hommages et références à la bande dessinée dont est truffé cet album, vous parler des Ailes du Désir de Wim Wenders pour la référence au destin de l’ange gardien amoureux des hommes, de James Dean, ou de mon amour coupable pour les Facels Vega mais je préfères conclure en rendant hommage aux auteurs Benjamin Flao – auteur entre autres du superbe diptyque Kiliana Song – et à Fred Bernard remarquable auteur de livres jeunesse et de BD (citons Gold Star Mothers) qui nous offrent un album émouvant, écrit avec talent et magnifiquement mis en page.

Décidément, quel merveilleux mois de janvier 2018.

Scénario : Fred Bernard

Dessin : Benjamin Flao

Année : 2018

Date de sortie: Janvier 2018

Editeur : Futuropolis

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