Pinocchio

Couverture_Pinocchio_Rosebul.frScénario : Winshluss

Dessin : Winshluss

Année : 2009

Synopsis :

M. Geppetto, inventeur diplômé, met la main à sa dernière création : un robot d’apparence humaine, de la taille d’un enfant qui, outre sa capacité à remplir quelques tâches ménagères diverses, n’est autre qu’une redoutable arme de guerre, dotée d’un arsenal de destruction effrayant. Tandis que M. Geppetto se rend auprès des autorités militaires pour faire l’article de sa dernière invention, il confie celle-ci à son épouse, la sculpturale et lubrique Svetlana qui ne manque pas d’exploiter au mieux les multiples talents du petit robot.

Mais c’est sans compter l’entrée en scène d’un jeune cafard tire-au-flanc prénommé Jiminy qui décide d’élire domicile dans le crâne du jeune robot et qui ne manque pas de provoquer rapidement et involontairement des dysfonctionnements majeurs en voulant réaménager sa nouvelle demeure.

Après un premier rendez-vous fructueux, de retour à son domicile, M. Geppetto découvre horrifié le corps carbonisé de sa charmante épouse, victime malencontreuse du jeune robot. N’écoutant que son « courage », l’inventeur décide d’enfouir les restes de sa chère et tendre au plus profond d’une vaste forêt avant de se lancer à la recherche de son protégé.

Ce dernier, ayant quitté la maison après ce regrettable incident, erre dans les rues et ne manque pas de tomber aux mains d’un duo de vils gredins qui décident de le vendre à la mystérieuse société Stromboli Inc., avide de main d’œuvre enfantine à bon marché.

Pendant ce temps, au fond des océans, un inoffensif poisson entre en contact avec un baril d’uranium radioactif.

Les protagonistes sont en place.

Avis :

Planche Pinocchio_Rosebul.frS’attaquer à la lecture du Pinocchio de Winshluss revient à sortir de sa zone de confort.

Un format initial démesuré, une BD muette, un parfum de BD underground à la Crumb, j’ai probablement inconsciemment plusieurs fois renoncé à découvrir cet album, et par la même occasion, le travail de Winshluss, préférant des albums plus conventionnels qui me semblaient plus faciles d’accès.

Finalement, le printemps venu, j’ai plongé dans Pinocchioet je ne le regrette pas. J’en suis sorti revigoré. Peut-être que je m’en voulais d’avoir manqué l’exposition qui fut consacrée l’an passé au travail de Winshluss aux Arts Décoratifs, et à l’occasion de laquelle l’univers fantasmagorique de cet auteur, formidable touche-à-tout, était présentée sous forme de maquettes et d’illustrations.

De son vrai nom Vincent Paronnaud, l’auteur, né en 1970, fut tour à tour musicien, scénariste et dessinateur, plasticien et coréalisateur (il a notamment travaillé à l’adaptation au cinéma de Persépolisaux côtés de Marjane Satrapi). Artiste protéiforme aux multiples talents il est l’auteur de plusieurs albums de BD parmi lesquels on peut citer Super Negra (1999), Monsieur Ferraille (2001) ou Smart Monkey (2004).

Quand Winshluss ne créé pas ses propres personnages, il n’hésite pas à réinterpréter des standards de contes pour enfants (Mickey dans Super Negra, Pinocchio dans l’album éponyme ) en les passant au tamis de son univers mental corrosif pour en faire des œuvres cyniques, un peu déjantées, un peu trash, parfois macabres et résolument drôles.

Ainsi, son personnage de Pinocchio qui conserve cette innocence propre à l’enfance est avant tout une arme de destruction massive créée par un Geppetto cupide. Toutefois, à l’image de son alter-ego du monde idyllique de Disney, ce charmant bambin de métal va se trouver jeté sur les routes. Il va ainsi rencontrer une galerie de personnages hauts en couleur par la grâce de l’intervention d’un cafard alcoolique et fainéant qui a élu domicile dans son crâne métallique et qui va dérégler cette belle mécanique en bidouillant les fils pour essayer de chopper les chaînes du câble.

Pinocchio_Rosebul.frŒuvre quasi intégralement muette – à l’exception des hilarantes aventures de Jiminy le Cafard – cette odyssée nous entraîne dans les bas-fonds de la nature humaine et rien ne nous sera épargné, du dictateur fasciste au policier ultra-violent en passant par les 7 nains lubriques veillant sur une malheureuse enfant.

Sorte de Tim Burton de l’univers de la BD – et pour parodier les propos d’un juré d’une émission de télé-crochet – Winshluss fait subir à l’œuvre de Carlo Collodi ce que Saddam Hussein fit subir au Koweït : il envahit, il s’approprie, il fait péter tous les codes narratifs et nous laisse le tout sur les bras.Mais c’est drôlement bien.

Bref, c’est cynique, c’est extravagant, ce n’est, une fois de plus, pas à mettre entre toutes les mains (notamment pas celles des amoureux de Blanche-neige) mais c’est bon.

En avant, pour 188 pages de plaisir foutraque mais subtilement maitrisé.

Grand prix à Angoulême en 2009 avec Pinocchio (ben oui, quand même), Winshluss a commis un nouvel album en 2013 intitulé In God we trust: une relecture de la Bible par un spécialiste des contes pour enfants. C’est logique.

Cette fois-ci je n’attendrai pas 5 ans.

winshluss-temp

 

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